Marion Charlet — Galerie Virginie Louvet
Avec Impressions, Marion Charlet expose pour la seconde fois à la galerie Virginie Louvet et présente une nouvelle série, Inner Spaces qui poursuit son exploration picturale avec des tableaux vibrants qui cachent derrière leur mystérieuse séduction une profondeur renversante.
« Marion Charlet — Impressions », Galerie Virginie Louvet du 9 septembre au 31 octobre 2017. En savoir plus Il est des peintures du vertige, il est des peintures du déséquilibre, Marion Charlet, elle, peint le renversement. Renversement du corps d’abord avec cette focale à la limite de la rupture, aux confins de la chute, comme une dernière image avant l’évanouissement. Renversement des ordres aussi avec cette orchestration de « paysages » désertés où la végétation indomptable vient s’opposer aux lignes tendues de constructions humaines.Au cœur de jardins d’hiver, de terrasses aux lits suspendus d’habitations exotiques, de lacs abandonnés et d’intérieurs modernes, les structures fixes d’acier, de verre et de bois découpent ou se voient recouvertes par les plantes, fleurs et arbres qui trouvent leur écho dans la multitude de tissus qui se font arbitres de ces luttes. Réfractaire à toute fixation définitive, chaque tableau renverse la primauté d’un ordre sur l’autre en alternant leur prédominance. À travers l’explosivité de sa couleur et ses perspectives aberrantes, l’ordre du réel est lui-même menacé. Car dans les tableaux de Marion Charlet, il est question d’un souvenir éthéré, d’une synthèse des images d’un lieu qui la hante autant que l’image qu’elle en donne apparaît comme le spectre à venir de celui-ci. Empreint de sa propre biographie, d’histoires intimes de rencontres et de disparitions, son esprit recompose un décor en altérant ses dimensions, ses lignes et couleurs pour le donner à lire dans des « visions » percluses de ses propres sentiments.
Mais loin de figurer une simple traduction de sentiments subjectifs, les espaces de Marion Charlet sont autant d’invitations à s’insérer au cœur de paysages, d’intérieurs, à en faire l’expérience à son tour, habiter ces décors pour continuer de les faire vivre. Plus alors qu’une fenêtre sur un monde intérieur, chaque tableau intègre en miroir le spectateur en faisant de lui le point de fuite qui en résout les contradictions, reflétant par là un renversement cher à l’artiste, sa volonté farouche de faire de ses tableaux des moments partagés, une image dont l’étrangèreté revêt une indicible communauté. La fantaisie des couleurs, des profondeurs et des formes devient alors une réalité dont l’expérience se fait par la perte ; dépouillé de toute notion d’équilibre, le regardeur est « toujours déjà » plongé au cœur de ces univers. À son tour, le voilà face à une peinture hors-sol où même les dalles d’épais carrelages semblent prêtes à fuir, à fondre ou à se briser sous le poids d’un être, tel un verre recouvrant un abyme sous nos pieds, où toute perspective et toute dimension même seraient bannies.
Abandonnant ainsi la rassurante force de gravité, le doux espoir de ne tomber plus bas que terre, c’est l’horizon sans pesanteur qui menace de nous absorber dans cette superbe série Inner Spaces. Les lignes qui nous font face s’émancipent des lois des corps et de la matière pour nous forcer à les suivre dans un vertige infini et pourtant terriblement familier. De là naît donc le dernier renversement d’une peinture puissante et entêtante ; au sein de ces paysages au magnétisme foudroyant, chaque point de fuite porte en lui une force de gravité qui attire à elle notre conscience et la leste d’un souvenir qui ne nous appartient pas.