Session#5 — Galerie Paris-Beijing
Ouvertes, souples et éclectiques, les Sessions #5 & #6 réunissent dans une grande liberté une vingtaine de galeries le temps de deux expositions collectives qui se succèdent en cette fin de saison. Impulsées et accueillies l’an dernier par la galerie Backslash, les Sessions investissent cette année la galerie Paris-Beijing. Avant le vernissage de sa sixième itération, le 13 juillet prochain, retour sur Session#5 qui court jusqu’au 12 juillet.
« SESSIONS — #5 et #6 », Galerie Paris-Beijing du 29 juin au 29 juillet 2017. En savoir plus Sessions ne ressemble à aucun autre événement. Né d’une envie commune des galeries de présenter des œuvres qui, par affinités électives, créent des îlots poétiques variés et pertinents, sa singularité pourrait bien en faire un incontournable. Une simplicité et une complicité entre galeristes qui trouvent là un langage commun autour de la « filiation ». Si un thème aussi large peut laisser craindre un vague flou dialectique dans une exposition, la proposition présentée à la galerie Paris-Beijing parvient, sans prétention rhétorique, à dessiner un lignage inattendu en déroulant une trame esthétique qui offre un voyage visuel réjouissant.De la réussite initiale d’une confrontation entre le mobile de Nils Guadagnin et les figures géométriques impétueuses de Cécile Chaput, on pénètre un monde de formes « abstraites », littéralement ou non, avec des superbes réinventions de mondes possibles de Maude Maris, Franck Eon, Xavier Thémis et Bertrand Lavier. S’ensuit un détournement des supports mêmes avec la glace, le verre et les bris de supports d’œuvres d’art. Le cadre, la toile et la vitre deviennent matières vivantes dans les trois démarches de Bianca Bondi, Laura Porter et Guillaume Cabantous. La dernière salle du rez-de-chaussée introduit, elle, le corps dans une veine plus surréaliste qui nous plonge dans des imaginaires tortueux. Malmenée, découpée, fertilisée, la chair devient matière à création de symboles et références avec Wang Haiyang, qui propose une vidéo vertigineuse mêlant réalité et dessins à la gouache en un cadavre exquis lubrique et vertigineux. À ses côtés, Marilena Pelosi, invente des créatures entre lesquelles se créent des ramifications suggestives. Face à ces mondes sans queue ni tête, Hugues Reip offre un retable triptyque de toute beauté avec la Renonciation, qui répond au Triptyque de Mérode, dit de L’Annonciation.
En bas, la drôlerie, le décalage et l’invention de l’installation de Gabriel Leger convainquent immédiatement. À travers la référence à un poème de Paul Éluard, l’artiste conçoit un dispositif qui fait cohabiter les contraires en remplissant un verre d’absinthe de bitume accompagné d’un film qui en retrace la préparation ou, selon le sens dans lequel on tourne la bande, sa disparition. L’anecdote devient un abyme d’interprétations avec ce bitume dont on sent la pesanteur et la légèreté de l’éther des vapeurs folles de l’absinthe. Avec une précision et une virtuosité toujours aussi impressionnantes, Grégory Derenne nous place face à une perspective hypnotique quand Sarah Meyohas, elle, nous livre une vue photographique étonnante sur un atelier d’ouvriers d’un nouveau genre occupés à numériser des pétales. Aussi fascinant qu’inquiétant, ces expériences en suspens dessinent un espace d’indécision dont les échos, bien qu’inattendus, n’en sont pas moins bien présents.
Session#5 offre ainsi un parcours surprenant de qualité et fruit d’une collaboration fructueuse entre une multitude de galeries qui affirment leur dynamisme et leur volonté de partager avec tous les publics le fruit de leur travail au quotidien. Plus encore, l’exposition, profitant de l’espace exceptionnel de la galerie Paris-Beijing, ouvre une fenêtre sur une nouvelle génération d’artistes qui confirment leur indéniable talent et leur capacité à produire, en commun, des mondes nouveaux et cohérents, ancrés dans leur époque.