Shirin Neshat — Lauréate du Praemium Imperiale 2017
L’artiste irano-américaine Shirin Neshat est la nouvelle lauréate du prix Praemium Imperiale dans la catégorie peinture remis le 12 septembre 2017.
Ce prestigieux prix, bien souvent appelé le Nobel des Arts plastiques a toujours su rendre hommage à la création contemporaine la plus exigeante tout en garantissant une ouverture au monde entier, œuvrant pour un art qui, malgré toutes ses spécificités, parvient à dépasser les frontières et questionner toutes les civilisations. Ne dérogeant pas à cette règle, il honore aujourd’hui une artiste qui a su faire du dialogue entre les cultures un objet de réflexion intense autant qu’une œuvre plastique saisissante.
Usant de multiples médiums, l’artiste polymorphe Shirin Neshat, née en 1957, a toujours articulé ses inventions plastiques à un regard aigu sur les sociétés contemporaines musulmanes, les dynamiques de pouvoir et la place occupée par les femmes en leur sein. Fortement marquée par le contraste sociétal observé lors de son retour en Iran après les transformations issues de la révolution de 1979, Shirin Neshat trouve dans cette confrontation à une société pleine d’une idéologie nouvelle la matière à un vocabulaire photographique illustré par la série qui la révèle au monde de l’art au début des années 90, The Women of Allah, des photographies de femmes recouvertes de calligraphies farsi.
Au fil des ans, l’artiste, formée à Berkeley et membre actif de la scène new-yorkaise des années 80, mélange ses influences et fait évoluer son travail pour se tourner vers l’utilisation de la vidéo puis de la performance mais aussi vers un décentrement de sa focale et une ouverture au monde tout en conservant vivaces ses observations sur les rapports entre peuples et pouvoirs. Une carrière fulgurante qui la voit couronnée, en 1999, du Lion d’Or de la biennale de Venise, où elle présente sa troublante vidéo Turbulent ainsi que l’installation vidéo Rapture, qui retranscrit une performance titanesque impliquant 250 figurants répartis en deux groupes d’hommes vêtus de pantalons et chemises et femmes recouvertes d’un niqab. Sur les territoires qu’ils arpentent, une forteresse pour les hommes, des espaces naturels pour les femmes, leurs corps dessinent à l’écran une chorégraphie hypnotique et lourde de sens qui marquera les esprits et l’histoire de la représentation.
Une reconnaissance qui ne l’empêche pas d’explorer de nouveaux territoires en se consacrant au long-métrage, réalisant notamment, Women Without Men, lauréat du Lion d’Argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise en 2009.
Des doutes et questionnements d’une artiste confrontée à une multitude de contradictions culturelles sont ainsi nées des images fortes, troublantes et engagées sans jamais tomber dans le manichéisme symbolique ou se laisser enfermer dans une question identitaire qui contribuent, depuis plus de vingt ans, à offrir un regard nuancé et lucide sur le monde.
Une puissance tout en retenue qui fait d’elle l’une des grandes figures de l’art contemporain et de la scène culturelle internationale et lui vaut aujourd’hui l’une des plus grandes reconnaissances internationales.