August Strindberg à l’Institut suédois
En soulignant les paradoxes de l’homme, L’Image d’August Strindberg, exposition organisée par l’Institut suédois, parvient à sortir de la simple présentation biographique en trouvant un angle d’entrée aussi irrévérencieux qu’intéressant. Jouant tout entier sur l’ambiguïté d’un August Strindberg usant de sa création pour s’imposer en tant qu’homme autant qu’il utilise son image pour valoriser son œuvre, l’exposition, du moins dans sa première partie, fait preuve d’un plaisant esprit critique qui n’est pas sans questionner le rapport même des hommes à leur propre image. Car si Strindberg n’a cessé, sa vie durant, de multiplier les expériences, de s’adonner à de nouvelles pratiques, d’orienter sa pensée d’un courant à l’autre, l’obsession qu’il a pu avoir de lui-même a des airs de centre névralgique de sa versatilité, voire d’un douloureux tribut à la « modernité ».
Ecrivain, peintre, photographe, poète ou sinologue (et théoricien douteux) ; August Strindberg est d’abord August Strindberg. Dandy aux yeux profonds s’ingéniant, à travers les âges, à se mettre en scène au long d’autoportraits semblant parodier les images d’Épinal d’auteurs classiques, l’artiste, qui se disait « persécuté par la ligue internationale des femmes », répond en mettant, d’une certaine façon, son humanité à nu. Vanité et vaine supériorité dans l’image (il est également auteur d’un traité De l’infériorité de la femme), l’esprit agité nous fixe de ses multiples regards à travers les âges et les modes au long d’un mur recouvert de plus d’une dizaine de portraits.
La répétition jusqu’à l’absurde mise en scène par l’institut culturel suédois offre alors une
Ecrivain, peintre, photographe, poète ou sinologue (et théoricien douteux) ; August Strindberg est d’abord August Strindberg.
lumière vertigineuse sur une âme tourmentée tour à tour mystique, rationaliste, naturaliste, romantique, inspirée, attachante et détestable ; celle d’un homme conscient d’être un homme et capable de se représenter lui-même. Celui donc qui clamait : « On n’a pas le monopole de son vécu », aura au moins essayé, à travers l’image, de le conquérir. Et cette lutte, aussi ironique soit-elle, recèle de riches enseignements sur notre présent.