Gina Pane — Exposition personnelle / Solo show

Exposition

Collage, dessin, sculpture, techniques mixtes

Gina Pane
Exposition personnelle / Solo show

Passé : 12 mars → 16 avril 2016

Kamel Mennour présente la seconde exposition personnelle de l’artiste Gina Pane, figure centrale de l’art corporel et plus largement de la scène artistique des années 1970-1980 en France.

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Tout au long de sa carrière, Gina Pane a pratiqué avec une aisance égale la peinture, le dessin, la sculpture, l’installation ou encore l’« action1 », que ce soit au sein de la nature dans les années 1960 ou face à un public dans les années 1970. Elle a utilisé la photographie dans le cadre des « constats d’actions » produits en collaboration étroite avec Françoise Masson — photographe de toutes les actions avec qui l’artiste anticipait rigoureusement la mise en images, au moyen d’un ensemble de dessins préparatoires, fondamentaux pour l’élaboration des œuvres. Enfin, elle a eu recourt à différents matériaux (terre, bois, verre, marbre, cuivre, fer, laiton, plomb, feutre, etc.) sélectionnés pour leurs qualités intrinsèques et leurs portées symboliques, mais aussi à différents objets rapportés tels quels ou fabriqués par ses soins, sans oublier bien sûr à son propre corps qu’elle érige comme matériau principal de sa création et instrument d’un nouveau langage, celui de l’art corporel. Témoignant de la richesse du vocabulaire de Gina Pane, l’exposition présente trois œuvres majeures et singulières, espacées respectivement d’une décennie : Souvenir enroulé d’un matin bleu (1968), Action de Chasse. C’est la nuit chérie… (1979-1981) et La Prière des pauvres et le corps des saints (1989). Ces dernières donnent ainsi à voir la cohérence conceptuelle de son travail au croisement du poétique et du sacré, de l’intime et de l’extime, de la terre et du ciel.

Exposé pour la première fois à Turin en 1969, Souvenir enroulé d’un matin bleu se présente sous la forme d’un rouleau de bois recouvert de feutre bleu, fixé sur une structure de métal sur laquelle on peut lire en italien (langue maternelle de l’artiste) : Ricordo avvolto di un mattino blu. La teinte délicate du feutre, le pouvoir évocateur de ces quelques mots, la douceur et la sobriété émanant de l’ensemble confèrent à l’œuvre une résonance poétique très forte, et accentuent le caractère intime et sans doute agréable de l’événement remémoré. Gina Pane révélera dans un entretien tardif que cet usage récurrent du feutre dans ses productions — notamment dans les « Partitions » des années 1980, et en particulier dans les manteaux de Saints — est lié à un souvenir d’enfance  : « C’est le tissu avec lequel j’ai eu mon premier contact lorsque, quand j’étais enfant, je coupais des disques pour les pianos à réparer2… mais ce bleu est aussi celui du ciel au-dessus des montagnes piémontaises de mon enfance ».

Présente dans toute l’œuvre de l’artiste, cette aspiration au céleste s’inscrit au sein d’une relation privilégiée que Gina Pane développe avec les éléments, avec cette belle et sauvage nature qu’elle envisage telle « une force poétique, comme un lieu de mémoire et d’énergies ». On retrouve cette attirance pour les forces mystérieuses qui nous entourent et nous habitent dans la fresque monumentale intitulée Action de Chasse. C’est la nuit chérie…. Cette œuvre incarne un tournant décisif voulu par l’artiste qui, après avoir procédé à une trentaine d’actions en public, décide de ne plus en réaliser. Aussi, lorsqu’elle est sollicitée aux États-Unis en 1979, Gina Pane choisit d’envoyer des instructions (notamment sous forme de textes et de dessins) pour deux performeurs qui les interprèteront deux ans plus tard au Franklin Furnace à New York, puis à Lyon. La grande fresque, ici présentée, est la troisième réalisation soit la « Partition de l’action » que l’artiste expose en 1981 à la Galleria Multimedia d’Arte Contemporanea à Brescia. Action de Chasse. C’est la nuit chérie… combine la démesure d’un dessin en couleur (noir, blanc, bleu, rouge, orange), fragmenté en 24 formats et réalisé à l’aide de fusain, graphite et pastel, à un objet d’action soit une toute petite maison en bois peinte en vert. Pour mieux confronter le regardeur aux ténèbres, Gina Pane ajoute en guise d’introduction un dialogue succinct entre un homme et une femme, qu’on imagine murmuré : « … La nuit est profonde. Il se passe des choses terrifiantes. Une femme demande à un homme : qu’est-ce que tout cela ? Il lui répond : C’est la nuit chérie… ». Ce polyptique représente cette nuit-là : une nuit intense, qui loin de proposer un refuge apaisant, présente des périls, des risques nés de l’obscurité… On peut voir ainsi esquissées différentes scènes de « chasses » et de corps à corps. Des silhouettes masculines stylisées sont en prise avec des figures animales ; des frères ennemis s’affrontent dans des joutes fougueuses en croisant leurs couteaux et leurs flèches. Trois anges veillent, et la petite maison accrochée non loin sur le mur est là comme pour offrir une zone de réconfort dans ce déchaînement des passions. Nuit sombre, nuit inquiétante, nuit tourmentée ; mais aussi nuit fantasmée, nuit magnétique, nuit amoureuse faite d’étreintes et de réconciliations… Gina Pane prend soin de ménager un refuge pour échapper à la tourmente du monde extérieur.

Installée dans la seconde salle de la galerie (rue du Pont de Lodi), La Prière des pauvres et le corps des saints est l’œuvre ultime de l’artiste. Solennelle, cette partition sculpturale est composée de trois ensembles de trois vitrines horizontales en verre, dédiés à trois saints auxquels l’artiste a d’ores et déjà rendu hommage : saint Sébastien, saint François et saint Laurent. Les vitrines centrales livrent aux regards leur corps affleurant à la surface de leur sarcophage de laiton. Les vitrines latérales gauches exposent la mémoire de leurs attributs ou des instruments de leur martyre : l’arc en fer forgé hérissé de pointes pour symboliser saint Sébastien, le Tau en fer rouillé pour caractériser saint François, et le bois noirci au fusain pour évoquer le gril de saint Laurent. Les vitrines latérales droites donnent à voir, quant à elles entre autres, les manteaux des saints aux couleurs symboliques : feutre rouge pour saint Sébastien à l’image de son corps transpercé par une flèche, feutre marron pour saint François pour rappeler son vœu de dépouillement et de pauvreté, et feutre azur pour saint Laurent pour signifier son ascèse corporelle ainsi que l’élément aérien. Des mots issus de la « prière des pauvres »  —  invocation pour des besoins simples — sont de plus gravés dans le laiton et le verre des vitrines, de sorte à rappeler que c’est pour les autres et pour apporter le sel, le miel et le feu que ces saints auraient donné leur vie. Œuvre de synthèse exposée de manière posthume en 1990 au CAC Passages à Troyes, La Prière des pauvres et le corps des saints déploie un répertoire complet de matériaux qu’affectionnaient l’artiste, et affirme cette dimension sacrée propre aux Partitions des années 1980. Au travers de la vie des Saints, Gina Pane met en abyme les blessures du monde contemporain, en proposant toutefois une ouverture sur l’autre, une échappée vers le ciel. « Tout mon travail s’inscrit dans la trajectoire Terre-Ciel », a écrit l’artiste.

Gina Pane, dont le souhait premier était de réveiller les esprits de la torpeur anesthésiante des médias, a su bâtir un mythe et nous léguer une œuvre vibrante et sincère, radicale et poétique, en quête d’une éternelle communion avec le public.

« C’est à VOUS que je m’adresse parce que vous êtes cette « unité » de mon travail : L’AUTRE. »

Gina Pane, Lettre à un(e) inconnu(e), 1974

1 Gina Pane préférait le terme d’« action » plus à même de retranscrire l’idée de processus qui est au cœur même de sa démarche, à celui de « performance » qu’elle jugeait trop démonstratif.

2 Le père de Gina Pane était facteur de piano et le feutre est un textile utilisé pour garnir certaines pièces de la mécanique des pianos.

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Née en 1939 à Biarritz, de mère autrichienne et de père italien, Gina Pane quitte l’Italie en 1961 pour étudier à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Elle fréquente l’Atelier d’Art Sacré d’Edmée Larnaudie, et finit par s’installer définitivement dans la capitale. Parallèlement à sa pratique artistique, Gina Pane enseigne la peinture à l’École supérieure des beaux-arts du Mans de 1975 à 1990. En 1978, elle crée et anime un atelier de performance au Centre Georges Pompidou. Elle décède en mars 1990 à Paris des suites d’une longue maladie.

Présente dans d’importantes collections privées et publiques, son œuvre — célébrée par les historiens, les critiques et les artistes — est aujourd’hui redécouverte par le grand public.Plusieurs de ses œuvres sont actuellement présentées au Centre Pompidou-Metz dans le cadre de l’exposition « Sublime. Les tremblements du monde » (jusqu’au 5 septembre 2016), et une importante rétrospective lui est également consacrée au MUSAC — Musée d’art contemporain de Castille-León en Espagne (« Gina Pane Revisited », jusqu’au 24 avril 2016).

  • Vernissage Samedi 12 mars 2016 16:00 → 19:00

    Kamel Mennour est heureux de présenter la seconde exposition personnelle de l’artiste Gina Pane, figure centrale de l’art corporel et plus largement de la scène artistique des années 1970-1980 en France.

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47, rue Saint-André des arts
6, rue du Pont de Lodi

75006 Paris

T. 01 56 24 03 63 — F. 01 40 46 80 20

www.kamelmennour.com

Odéon
Saint-Michel

Horaires

Du mardi au samedi de 11h à 19h

L’artiste

  • Gina Pane

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