Jérôme Zonder  — Chairs grises

Exposition

Dessin

Jérôme Zonder 
Chairs grises

Passé : 17 octobre → 23 novembre 2013

Récit qui ne mène nulle part

Cette exposition nous place au cœur d’un récit sans pour autant offrir les clés d’une narration : les dessins décrivent une histoire fragmentée, fracassée, aux bords plein d’aspérités. Les espaces narratifs se côtoient, se connectent et s’agrègent comme dans le cerveau. Ainsi, en est-il des images tirées du film Sa Majesté des Mouches dont Jérôme Zonder s’est inspiré afin de décrire les pulsions sauvages et criminelles d’une enfance livrée à elle-même : deux mains s’enlacent, un crépuscule tombe juste après un meurtre, un masque grimace. C’est désormais dans la tension du refoulé, l’étrangeté du non-dit, et l’instant de la peur précédant le sang que l’artiste s’est installé, même s’il est bien décidé à poursuivre le programme qu’il s’est donné : voyager par le dessin de l’enfance à l’adolescence, ce passage vécu comme une hémorragie d’énergie, une fuite en avant horrifiante.

Gros plan sur l’agressivité

Bien sûr que les grands dessins d’insectes nous ramènent à La Métamorphose de Kafka ou aux atroces créatures fantasmées du Festin Nu de William Burroughs ; mais, par-delà ces êtres naissants du délire, ce que cherche Zonder — en représentant de manière démesurée et en gros plan une tête de guêpe — c’est une confrontation avec la violence pulsionnelle faite chair. Lorsque, pendant de longues heures laborieuses le crayon à la main, il se retrouve nez à nez avec les yeux, les antennes et les mandibules de l’animal, face au pire cauchemar, il se rapproche en réalité de ce qui gît au cœur de l’effroi. Il cherche à réaliser le portrait de l’agressivité en acte. Les insectes sont pour lui un moyen de rendre directe et manifeste la nocivité et le danger de la morsure. Car, le Mal en soi est bien précisément ce qui n’aura jamais de forme ni de définition et prend ici l’apparence d’un dard ou d’un flingue démesuré dans la main d’une fillette blonde.

Chairs grises

Le monde de Zonder est en noir et blanc. Au contraire d’un apaisement, cette binarité provoque chez le spectateur l’irrésistible et obsédant besoin d’imaginer les couleurs. De quelle couleur le ciel d’Auschwitz pouvait-il bien être, lorsqu’en août 1944, Alex, juif grec membre du Sonderkommando, décida de le photographier ? Ce ciel est aujourd’hui désespérément gris, ou peut-être sont-ce les fumées du camp qui l’empêchent d’être bleu… L’image est trouble, incertaine, tragiquement séduisante. Des silhouettes de corps. Une hâte. Une fébrilité. Pour la première fois, Zonder dessine aux doigts, avec de la poudre graphite semblable à de la poussière de cendres. Il laisse sa marque, son empreinte physique, pour mieux faire corps avec l’image, faire chair avec l’Histoire. Pendant ce temps, non loin de là, un homme allongé se prend le visage dans les mains, se refusant à voir les atrocités dont l’humanité est capable.

Léa Bismuth
Galerie Eva Hober Galerie
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Arts et Métiers
Rambuteau

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Du mardi au samedi de 11h à 19h

L’artiste