Something for the Week-End

Exposition

Photographie

Something for the Week-End

Passé : 7 décembre 2012 → 10 janvier 2013

Des figurines de maquettes colonisent notre environnement et s’approprient avec impertinence divers éléments du réel appartenant aux géants autochtones. Comme pour témoigner de l’existence d’un micro-monde photosensible, Jean-Joseph Renucci les photographie dans des dispositifs imaginaires et parvient à prolonger la vie de ces Lilliputiens hors-champ.

Pour qui prendra la peine de s’y attarder, faisant fi un instant de l’apparente séduction des images, leurs titres sont autant de références sub-pop… On passe d’un soupesque Chris de Burgh (Lady in Red) — qui évoquera les premières gifles en boum à tous quadra qui se respecte — à un Eminem «  ecstatique  » (I Just wanted to make you appreciate nature…) où il est visuellement question d’une bucolique cueillette de champignons lorsque le titre évoque en réalité une descente de psylo qui tourne mal lors d’une rave party… Les rescapés du Velvet ont vieilli, ils ont grossi aussi… Aujourd’hui, ils joggent au « Luco » le dimanche, sur le Champ de Mars, ou encore sur un quelconque chemin des douaniers de province (Run Run Run)… Un trait en passant l’aspirateur et personne ne s’en formalisera (Coco Mademoiselle)1.

Il y a ceux qui l’après-midi opteront pour une partie de pêche à la sardine en boîte (Fishermen’s friend) et ceux qui devant leur poste préfèreront regarder « le patinage » comme au bon vieux temps de l’ORTF (Dancing Cream)… Il y a ceux qui le soir venu iront s’encanailler sur une piste couleur pomme (tendance Cupertino) (Dancers in the Dark) et ceux qui se contenteront d’une barquette de saumon surgelé, ignorant les risques de croiser une famille d’ours polaires affamés, à l’instar de ceux qui rôdent autour des décharges prés des grands lacs canadiens (Eisbaer).

Il y a ceux qui marchent au gaz (Hell’s Kitchen) et ceux qui carburent à l’électrique (The final source of energy)… Le lundi venu on n’oubliera de préparer ses crayons pour un retour au bureau (the pencil sharpeners) en sirotant un soda tout en prenant garde de ne pas avaler de plongeurs… (Coke Divers).

  • il est à noter qu’un « sous-titre potentiel » de cette image est « Mrs. Hoover »… Faisant ainsi une double référence à la célèbre marque d’aspirateurs tout autant qu’au non moins célèbre J. Edgar, fondateur du FBI…
Domestic Paradise

Il piste, il glane tous types de personnages de maquettes, les plus inspirants et les plus singuliers, constituant ainsi une véritable petite colonie. Puis il les stocke, les scrute, les ordonne et les projette dans des scènes de fiction au sein d’environnements quotidiens. Enfin, comme pour témoigner de l’existence d’un micro-monde photosensible, Jean-Joseph Renucci les photographie, parvenant ainsi à nous faire prolonger la vie de ces Lilliputiens hors-champ.

Cadrages, reflets, contrastes et flous servent les scénarii fabriqués d’objets vulgaires pour constituer ses dispositifs imaginaires.

Ses figurines forment, de fait, une société de goût active et autonome ; ils sont moines, bûcherons, yéyés, cinéphiles, agents d’entretien…. Elles colonisent notre environnement et s’approprient avec impertinence divers éléments du réel appartenant aux géants autochtones. Elles s’invitent sur la coiffeuse, la table à repas et l’assiette, la cave à fromage, la gazinière ou encore le placard à chaussures… Leur invasion semble dès lors possiblement confortable et pacifiste car, à cette échelle, l’économie parallèle des Tiny Folks n’est pas de taille à nous porter préjudice ou bénéfice.

C’est dans ce contexte de confrontation à un gigantisme du quotidien que les scènes de cette série ne sont pas sans rappeler le périple du Voyage Fantastique de Richard Fleischer. Dans le dénouement du film de 1966, l’équipage de scientifiques rétrécis échappe in extremis à la mort en sortant du corps du patient par le canal lacrymal de ce dernier. Curieusement, c’est justement par l’oeil que les Tiny Folks font ingression dans notre pensée pour y pratiquer, non un voyage médical, mais une opération onirique, un rêve éveillé, dans lequel les défis les plus insurmontables sont affrontés puis déjoués.

Encore autrement, tel un Blow Up d’Antonioni, les agrandissements de Jean-Joseph Renucci nous révèlent un réel halluciné et extrapolé. En effet, les personnages employés par l’artiste s ont bien des petits acteurs d’un quotidien détourné, autant de pantomimes d’un jeu de rôle aux règles mystérieuses.

Nous pourrions nous demander finalement si l’apparence naïve, séduisante et édulcorée de ce peti t monde ne constituerait pas un leurre. En effet, c’est face à la lassitude répétitive de l’ensemble des activités qui composent notre quotidien que se joue le drame. Ces Tiny Folks, pourraient-ils agir comme un substitut ludique à notre tendance naturelle à la procrastination ? Il serait certainement réducteur de finir sur une telle conclusion, néanmoins, la question se pose : oserions-nous interrompre ces petits êtres dans leurs occupations alors qu’ils nous ont si agréablement détourné des nôtres ? P.M.

  • Vernissage Jeudi 6 décembre 2012 18:00 → 21:00
Galerie Nivet Carzon Galerie
Plan Plan
04 Beaubourg Zoom in 04 Beaubourg Zoom out

2, rue Geoffroy Langevin

75004 Paris

T. 09 54 29 30 10

www.nivet-carzon.com

Rambuteau

Horaires

Du mardi au vendredi de 14h30 à 19h30
Les samedis de 10h à 19h

L’artiste

  • Jean Joseph Renucci