Spleen & Idéal

Exposition

Estampe, peinture, sculpture, techniques mixtes

Spleen & Idéal

Passé : 30 mai → 25 juillet 2015

Emprunté à Baudelaire, le titre Spleen et Idéal est indissociable de l’image figurant en préface de l’exposition: un serre-livre en marbre isolé par l’outil informatique (Sans titre (bibliothèque), 2014, Nicolas Tourre). Abstraction formelle pour concept universel. Au-delà de la citation, c’est dans ce léger interstice que se situe l’exposition ; Si l’absence de l’œuvre référente suggère que le contenu pourrait se transférer à la forme, il s’agit avant tout de comprendre comment le Spleen Baudelairien et la recherche d’idéal pourraient, sinon guider une pratique, trouver une correspondance plastique.

« La nature est un temple »1; Spontanément associé à ce court extrait issu du poème Correspondances le travail d’Anne Laure Sacriste apporte un premier élément de réponse. La mélancolie y apparaît tel un miroir naturaliste dans lequel l’artiste impose une profondeur picturale à un paysage stable et sans perspective. A moins que la perspective ne se trouve transmise au support : forme hexagonale rappelant une vue 3D du polyèdre de Dürer 2. Dans une recherche d’équilibre, l’artiste prolonge ou corrige cette vision par une friche végétale lumineuse.

L’effet miroir et le rapport au sacré sont également présents chez Célia Nkala, dont la mélancolie sous forme liquide, semble extraite et mise à disposition du visiteur. Si le contenant (une saucière) semble provenir d’une table noble, indiquer un certain cérémonial ou un idéal fantasmé, le contenu évoque une humeur physiologique (la bile noire) et impose une rupture triviale à la composition.

Pour Aldéric Trével, le cérémonial est un protocole. Sa peinture monochrome et délibérément sans ambition résulte d’un mélange à proportions égales de couleurs primaires, son format défini par la commande (ici la galeriste), son prix calculé au centimètre carré selon une logique arbitraire. Ainsi, tel un renoncement ou un raccourci extrême de l’idée à la forme, l’artiste fournit une œuvre aux accents nihilistes, exprimant toute la vanité de sa condition d’artiste.

La Sphère, symbole de densité et de perfection, apparaît comme une stricte représentation de l’idéal. D’un geste vain ou méditatif Célia Nkala choisi de la sculpter dans la cire, matière naturellement instable. Si les multiples ajouts de matière évoquent le motif immuable du marbre, la géométrie de la construction ne pourra, elle, résister au temps. Dans un rapport au temps inversé, les sphères de Gwendoline Périgueux apparaissent telles des régurgitations de fêtes passées, de joies consommées. Les cotillons figés par le béton, son caractère définitif et son apparence austère, imposent au matériau une esthétique pop résiduelle.

« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle »3. Ce vers, parmi les plus connus de la section Spleen et Idéal, semble trouver écho chez Stéphane Vigny (Sans titre, 2007), dont l’intervention prolonge la vanité intrinsèque à l’objet : une boule à neige chargée de poussière de béton. Allégorie d’un monde clos et souvenir anéanti par la matière, l’objet-gadget devient vision existentielle. Comme pour figurer une mise à distance, il se dessine alors un lien entre humeur noire et humour. Dans ce même registre, Annabelle Arlie associe l’image de Whitney Houston à un fragment de marbre dont on peut, au-delà de la symbolique, imaginer la provenance domestique. Perfection et déchéance se trouvent ainsi liées par l’ironie d’une composition silencieuse aussi pertinente que dérisoire.

Se jouant de l’échelle et de l’espace-temps, Aldéric Trével reproduit la pyramide rhomboïdale, complexe funéraire commandé par le pharaon Snéfrou dans l’Egypte ancienne. La pyramide présente une structure verticale affaissée, un profil double pente qui, selon les théories, résulterait d’une déficience technique ou d’une ambition architecturale inédite. Malgré la maîtrise formelle et les techniques ultra-modernes utilisées par l’artiste, le doute est consubstantiel à l’objet et sa forme, demeure irrésolue. Forme déclinante par manque ou par maîtrise, le conflit est également porté par l’œuvre de Bertrand Derel (Portrait X, 2009), forme souple sculptée dans le bois, égale à une torsion anthropomorphique. Prenant appui sur le mur, l’inclinaison mélancolique de l’objet traduit en réalité l’autorité du geste sur le matériau.

Si Baudelaire oppose le spleen à l’idéal, et conclut ladite section par la défaite de l’homme face au temps, les deux notions sont ici indissociables et participent d’une esthétique à la portée universelle. Fléchissement de la matière, formes courbes ou affaissées, géométries brisées, fluidité et compositions fixes : la mélancolie est un principe moteur, un motif ou un support. L’idéal, une exigence formelle. Par cette évidente ironie, les visions, les formes et matériaux se répondent « Dans une ténébreuse et profonde unité »4.

1 Charles Baudelaire, IV Correspondances — Spleen et Idéal. Les Fleurs du Mal, 1857

2 Albrecht Dürer, Melencolia I, 1514


3 Charles Baudelaire, LXXVIII Spleen — Spleen et Idéal. Les Fleurs du Mal, 1857


4 Charles Baudelaire, IV Correspondances — Spleen et Idéal, Les Fleurs du Mal, 1857

Célia Nkala
  • Vernissage Vendredi 29 mai 2015 à 18:00
Galerie Perception Park Galerie
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05 Paris 5 Zoom in 05 Paris 5 Zoom out

20, rue Domat

75005 Paris

T. 09 80 73 53 43

www.perceptionpark.com

Cluny – La Sorbonne
Odéon

Horaires

Du mercredi au samedi de 14h à 19h

Les artistes

  • Anne Laure Sacriste
  • Stéphane Vigny
  • Aldéric Trevel
  • Bertrand Derel
  • Célia Nkala
  • Nicolas Tourre
  • Gwendoline Perrigueux
  • Annabelle Arlie