Evariste Richer — L’Hypocentre

Exposition

Graphisme, peinture

Evariste Richer
L’Hypocentre

Passé : 15 mai → 17 juillet 2010

L’homme a l’habitude de découper le temps et l’espace en grilles pour en prendre la mesure. Aux années, aux décennies, à la croûte terrestre et ses phénomènes correspondent les journaux quotidiens, les frontières géopolitiques et les appareils enregistreurs des spasmes de la Terre. Le sismographe en est un, et d’actualité. En effet, la deuxième exposition personnelle d’Evariste Richer à la galerie s’intitule L’Hypocentre, terme qui désigne l’origine enfouie d’un tremblement de terre, dont l’écho, en surface, est l’épicentre.

Evariste Richer propose ainsi un schéma binaire — qui se retrouve, en filigrane, dans plusieurs de ses œuvres — reproduisant l’enchaînement de causes et effets tour à tour manifestes et subliminaux.

Ainsi, le journal Le Monde est transfiguré dans l’œuvre Sismogramme (2010), qui se trouve dans la salle du fond. Ce quotidien porte d’ailleurs un nom pouvant décrire, par métonymie (la partie pour le tout), l’échelle planétaire convoquée par l’artiste. Cette série se décompose en autant de tirages photographiques que de rectos — versos d’un exemplaire du journal Le Monde du mois de mars annonçant à contretemps le séisme chilien du 27 février 2010. L’artiste en a soustrait toute information, pour ne laisser que sa structure portante.

Schéma structuraliste « tongue in cheek », ou arrangement géométrique des lignes exprimant le mouvement, de celui des astres au graphisme d’un fossile ? Hypocentre (2010) est un stromatolithe, première trace de vie fossilisée datant de plus de 3 milliards d’années, dans lequel l’artiste a glissé un stick de graphite. Ce crayon opère comme une force tectonique déformant les lignes concentriques qui s’y dessinent. Il suffit de s’attarder, dès l’entrée de l’exposition, face à Geological Scale (2009) pour saisir la dichotomie des gestes ici proposés. Les noms et les dates ont été retirés de ce document, charte colorimétrique de l’échelle du temps géologique. A l’instar de Sismogramme, où une matrice est relevée, un nuancier du temps apparaît.

Se glissent dans l’exposition, dès la première salle, les souvenirs chromatiques de la peinture du XXe siècle, du traitement abstrait de la couleur de Mondrian à son dépassement chez Blinky Palermo. La citation « aidée » va plus loin. La grille et la chromie — que filent les anciens débats académiques entre les partisans du disegno, et les coloristes — s’imposent à la rétine comme des « conflits de perception », des phénomènes optiques agissant sur la vue et la psychologie de l’observateur. Aussi l’œuvre la plus énigmatique de l’exposition, Les Fonds (2010), se compose de quatre monochromes révélant chacun une couleur : noir, bleu, rouge et blanc. Ces quatre toiles sont en réalité des fac-similes des fonds que Constantin Brancusi avait stratégiquement placés dans son atelier afin de faire ressortir ses sculptures et de les suspendre dans l’espace.

La sculpture qui se trouve entre les deux œuvres, Cerveau (2009), pourrait réduire le phé- nomène humain à une mécanique cartésienne. Evariste Richer a tenté de composer un cube de 1,3 kg, le poids moyen du cerveau humain, avec des pyrites, un minéral ayant une forme cubique naturelle. Ce cube reconstruit contient un morceau de mosaïque de Pompéi. Comme un souvenir refoulé, cet élément introduit une mathématique spirituelle en manifestant la beauté géométrique de la matière et la de mémoire qui nous constituent. Installée sous verre (comme le précieux Cerveau), la sculpture Lucifer Song (2010), dans la deuxième salle, cohabite avec Sismogramme, qui devient sa partition. Elle joue une musique sourde, avec son archet placé entre deux sphères de fluorine. Ce spécimen introduit la musique infraliminale des désirs telluriques, ayant jailli dans l’ombre d’une grotte où seuls pénètrent ceux qui sont à l’écoute des épiphénomènes de la matière.

Joana Neves
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