Jean-Luc Moulène — le point le puits le plein et la pluie

Exposition

Photographie, sculpture

Jean-Luc Moulène
le point le puits le plein et la pluie

Passé : 16 octobre → 18 novembre 2023

La Galerie Chantal Crousel est heureuse d’accueillir la septième exposition personnelle de Jean-Luc Moulène composée de nouvelles sculptures et de photographies noir et blanc inédites.

Les œuvres de l’exposition se présentent comme un ensemble ordonné selon un axe « rituel sans liturgie »(1), un espace expérimental organisé en trois séquences : les dimensions relatives, les conditions de l’exercice et l’espace de représentation.
Les œuvres donnent une appréhension multidimensionnelle du monde et jouent de la cartographie du corps humain, de l’abstraction et de la nature en tant que marqueur temporel. Dans les espaces de dimension négative (dim. -1, -2, …), l’objet existe par une infinité d’espaces réduits, minuscules, tels des mouvements topologiques, se pliant infiniment sur eux-mêmes.

Une première sculpture en bronze — une clavicule à laquelle est apposée une petite clé — ouvre et ferme l’exposition et en devient elle-même la clé.

La sculpture Bubu filtre occupe une place stratégique, elle est le point zéro de l’exposition et la figure de proue du cortège d’œuvres qui miment l’expérience du recul en soi pour rendre sensible l’impossibilité matérielle de présenter les dimensions négatives. Une tête de poupon en verre est posée sur une bouteille en plastique coupée et remplie d’huile de vidange. Bubu filtre convoque matériellement le corps et la poésie.

Plus on descend dans les dimensions négatives de l’espace, plus le nombre de possibles formels augmente. Ici, quatre sculptures en bronze sont autant de solutions : Figure et fond (tibia), Disque et anneau (fémur) et Articulation (humérus — clavicule) sont des variations dimensionnelles de l’espace confrontées à la taille réelle des os humain. Même si elles sont conçues numériquement, elles restent produites dans la grande tradition de la cire perdue. Dans l’espace d’exposition, elles s’enchaînent précisément, surprennent par leurs tailles, leurs patines colorées vertes, bleues, jaunes et rouges, et par leur dispositif de présentation, sur socles cylindriques. Extraordinaires par leur volume et leur densité, ces bronzes ne sont ni figuratifs ni abstraits, et comme dirait Jean-Luc Moulène : « La couleur peut être une quatrième dimension. Toutes propriétés sont des dimensions de l’objet. Et toutes ces dimensions sont partageables ! »

Puis nous avons les deux Écorchés, disposés comme des « gardiens » de part et d’autre de l’espace et se faisant face. Aveugles et muets, ils surveillent la fin de la démonstration. Reprenant la technique de production initiée pour la série des Tronches (2014-2017), les Écorchés sont des masques grotesques en latex aux orifices cousus, retournés, remplis de béton, enduits à l’huile de vidange puis parés de pendants d’oreilles en perles.

Un dernier bronze, le plus petit, Main (tous les os de la) est d’une approche plus concrète. Jean-Luc Moulène a exprimé à de nombreuses reprises son attirance pour cette partie complexe du corps humain, en découvrant à chaque fois de nouvelles façons de réfléchir à ses multiples usages et aux possibilités de la désosser. Ici, la main est capturée décomposée et mise à nu avec ses vingt-sept os rassemblés dans la paume de l’artiste, puis fixés.
La main était autrefois l’outil suprême du sculpteur. Mais aujourd’hui, beaucoup de sculpteurs travaillent les mains dans les poches. Pas Moulène. Pas toujours.(2) — Frédéric Paul

Seul objet de la séquence suivante, Abstraction d’organes est une œuvre abstraite. Il s’agit d’un assemblage de modèles anatomiques d’organes associés à un organe du pouvoir, l’Arc de Triomphe. L’Arc se voit conférer une seconde vie, une nouvelle identité et un véritable rôle, celui de donner à l’œuvre une présence puissante, oscillant entre stabilité et extrême faiblesse.
Nous prétendons que c’est le même problème qui motive Moulène : manipuler des organes et des sens non connectés pour composer un "corps émancipé " et une “sensibilité”, et qui est formulé comme une grève de la signification dans une déliaison mélangée.(3) — Alexandre et Daniel Costanzo

La tension entre présence et représentation s’exerce par un nouvel ensemble de photographies en noir et blanc aux dimensions variées. Paysages, objets, corps sont les sujets de ce nouveau travail. La photographie a toujours été une composante essentielle de l’œuvre de Jean-Luc Moulène.
Ces photographies sont enregistrées avec une chambre 4×5’’, à la manière d’un calotype(4) mais restituées à l’aide de la technologie moderne numérique.
Avec cette technique et son temps de pose long (jusqu’à une heure), les sujets sont dotés d’une très grande profondeur de champ, d’une grande étendue des gris en même temps que d’une forte montée de contraste. Ce n’est pas l’instant qui est visé mais le mouvement conjugué de la lumière et du vent, Stellaires (2020), Le Jardin 1 et 2 (2023).
Anatomie et Jambe sont tirées grandeur nature. La matérialité de l’os réel s’affirme, tandis que les os en plastique semblent disparaître, mêlant ainsi le vrai au faux.

Dans le second espace de la galerie, la sculpture Excentrique est au centre de cette dernière séquence ; présence spatiale et temporelle, individuelle et collective, vectorisée et initialisée, entourée de fleurs, de paysages.

Au-delà de la fiction, dans laquelle la pratique de Jean-Luc Moulène implique de disséquer l’objet et de le soumettre à la matière, il y a aussi la vie dans toute sa force. Des objets et des images imparfaits qui se font continuellement écho, voire s’affrontent, pour le privilège de leur authenticité.

1 Philippe Vasset, Un rituel sans liturgie, catalogue de l’exposition Jean-Luc Moulène, Éditions Centre Georges Pompidou et Dilecta, Paris, 2016, p.108.
2 Frédéric Paul, Combien de doigts dans ma poche ? Fantaisie polydactyle, catalogue de l’exposition Jean-Luc Moulène, Éditions Centre Georges Pompidou et Dilecta, Paris, 2016, p.125.
3 Alexandre et Daniel Costanzo, The power of the open, MOULÈNE 2007, p.33. Extrait du texte de Eric de Chassey, Once upon a Time, Jean-Luc Moulène, catalogue Jean-Luc Moulène, Il était une fois, Éditions Académie de France à Rome, Villa Médicis et Bernard Chauveaux Éditions, p.264.
4 Le calotype est un procédé photographique sur papier mis au point en 1840, dont une des qualités est de donner une image un peu floue. Ceci est lié au fait que la texture du papier trouble les rayons lumineux qui le traversent.

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10, rue Charlot

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T. 01 42 77 38 87 — F. 01 42 77 59 00

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