Kata Legrady — Masks & Guns

Exposition

Photographie, sculpture

Kata Legrady
Masks & Guns

Passé : 14 mai → 26 juillet 2011

Le piège du miroir

À propos des œuvres récentes de Kata Legrady

Kata Legrady s’est rapidement fait connaître avec la fameuse série « Guns and Candies » débutée en 2008 ; un ensemble d’œuvres chatoyantes et surdimensionnées qui explorait la double fascination de l’artiste pour les armes de guerre et les friandises, en l’occurrence, des Smarties. Enigmatiques, séduisantes et inquiétantes à la fois, ces toutes premières œuvres imprimaient notre rétine pour y laisser une trace rémanente, tel un songe tenace ou une vision méditative.

C’est un art véritablement populaire au sens que Warhol conférait à ce mot. Immédiatement accessibles et reconnaissables, ces images et ces objets sont destinés à toutes et tous. Ils requièrent simplement de notre part un minimum d’empathie. C’est à nous que revient le pouvoir de les activer symboliquement et artistiquement.

Selon l’artiste, les objets lui servent avant tout à composer le portrait en creux d’une réalité qui n’est jamais directement figurée ou représentée, mais apparaît toujours masquée par ce qui la symbolise. C’est dans ce jeu d’allusions directes et de suggestions implicites, dans ce système d’apparition et d’occultation que se nouent le sens et les enjeux d’un travail qui aujourd’hui emprunte de nouveaux chemins et ouvre de nouveaux horizons.

Avant de décrire en quoi consistent ses nouvelles œuvres, précisons que la méthode de l’artiste et ce qui constitue sa signature à la fois visuelle et philosophique demeurent inchangées. Les objets présents ou photographiés, semblent léviter entre ciel et terre. Ils flottent dans l’espace de la galerie ou au sein de l’espace de la représentation, semblables à des icônes ou des divinités. Ils sont suspendus comme peuvent l’être les jugements de l’artiste qui emprunte sa posture aux sceptiques grecs qui philosophaient selon le principe de l’époché (cessation ou interruption temporaire de la pensée et suspension du jugement).

En ces temps de discours surabondants lestant maints objets et œuvres d’art, ce travail semble introduire une dimension silencieuse et recueillie. Avec légèreté, l’art sert ici d’embrayeur à la réflexion ou à la rêverie. L’objet lévite, nous invitant à imiter sa posture. C’est dans l’immobilité qu’il atteint paradoxalement sa plus grande vélocité, décuplant la force de son impact.

L’autre méthode caractéristique du travail de Kata Legrady consiste à engendrer des courts-circuits artistiques entre des signes, symboles et objets, les plus à même selon elle d’éclairer et de révéler nos antagonismes et nos paradoxes. L’amer se cache sous le sucré, Thanatos se drape dans les attributs d’Eros. D’improbables accouplements accouchent d’objets mutants : une arme de poing couverte de friandises, une autre gainée de billets de banque, un masque recouvert par un autre masque. L’ornement modifie ici radicalement la perception que nous avons de l’objet initial. Le « motif décoratif » devient élément perturbateur ou révélateur.

Il y a tout d’abord cette bombe spectaculaire qui semble flotter en apesanteur, affichant fièrement sa couleur : Chanel 217. Totem, sculpture épurée, jouet monumental à forte connotation érotique : c’est une double charge corrosive renvoyant dos-à-dos les stéréotypes de l’infatuation masculine (pathétique) et de la futilité féminine (dérisoire).

Il y a aussi une balançoire. Monture d’amazone, attraction décadente ? Il s’agit d’un immense revolver orné d’une selle d’équitation propice à toutes les chevauchées réelles ou fantasmatiques.

Il y enfin deux nouvelles séries de photographies dont sont ici présentés plusieurs tirages de grand format. Procédant comme à son habitude de manière clinique et épurée, l’artiste isole sur un fond blanc et lumineux des objets retravaillés par ses soins. Ce sont des armes recouvertes (tapissées) de billets de banque, qui tout en évoquant les délicieuses productions surréalistes de Meret Oppenheim (une tasse recouverte de fourrure), nous ramènent à la violence économique de l’époque, au dévoiement de nos valeurs et à l’esthétisation généralisée qui contaminent tout, y compris la guerre économique ou la guerre tout court.

« In God we trust ». « God », en l’occurrence : Guns or Dollars.

En pendant à ses images, on découvrira d’intrigantes mises en scène où des masques à gaz sont recouverts par d’autres masques, tels des secondes peaux artificielles se superposant les unes aux autres. Mickey ou Catwoman : colifichets de l’enfance ou fétiche érotique, notre désir de légèreté ou notre besoin irrépressible d’érotiser le réel masque sans les occulter complètement nos peurs les plus viscérales.

Blancheur étale et aveuglante, extrême netteté : un art de la dissection par la mise au point et par la lumière.

Le piège du miroir se referme sur notre propre reflet.

Galerie Rabouan Moussion Galerie
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