Anne-Charlotte Yver
Le chantier sculptural que mène Anne-Charlotte Yver est infini ; fait de réajustements successifs, il repose sur un pressentiment mélancolique — la vanité de toute édification. Ce à quoi s’ajustent ses œuvres, quand elles trouvent dans leur précarité la possibilité d’une réforme. L’artiste s’attelle, de manière expérimentale, à des matériaux tels que le béton, le latex, l’acide, la graisse ou encore les câbles électriques. Sollicitant autant l’apprentissage manuel que l’intuition poétique, elle se réapproprie l’utilisation et la symbolique de ces ressources ; elle leur construit peu à peu, par manipulations plastiques et par amalgames, une structure personnelle. Celle-ci trahit des influences antagonistes et dessine la métaphore d’un corps : avec ses humeurs, sa fragilité, son assujettissement au temps et à la ruine. La combinaison des éléments donne lieu à des processus destructeurs (d’insolation, d’écartèlement ou d’érosion). L’organique y côtoie le solide, le géologique se mêle au liquide. Le déploiement architectural de ces composants, à l’aide d’ossatures d’acier ou de tubes en Plexiglas, joue d’un principe de modularité. Chaque sculpture peut être ré-agencée d’une exposition à l’autre, révisant son rapport à l’espace dans lequel elle s’insère, ou prenant en charge des contraintes logistiques. L’ingénierie développée par Anne-Charlotte Yver, dépasse de loin les seuls aspects techniques ; elle exalte le potentiel de ses moyens, matériels et corporels. Elle vise, à force de remaniements, à éprouver les limites physiques et imaginaires de la matière, exploitant son instabilité. Un joyeux anéantissement qui livre sa part d’émulation. Une telle entreprise, à force de toucher, jusqu’à l’excéder, à son terme, s’arrange du travail de sape de la mélancolie.
— Antoine Camenen pour L’ahah, 2019.
Anne-Charlotte Yver
Contemporain
Installations, sculpture, sérigraphie
Artiste française née en 1987 à Saint Mandé, France.
- Localisation
- Paris, France