Ariane Michel
Le travail artistique d’Ariane Michel renferme une substance rare de nos jours, l’animal. L’animal est un objet d’étude du motif. La bête est un levier de manœuvre du son et de l’image.
Dès son film Après les pluies — un chien errant dans un paysage entre deux eaux, dans une lumière entre deux (entre chien et loup), glissant par ici, repassant par là — l’animal est le motif esthétique et le réacteur mécanique du film. Ce chien met en jeu un régime perceptif, plongeant à corps perdu le regardeur dans l’image. Car ce qui est différent d’une fiction ordinaire, c’est cette volonté d’Ariane Michel de faire prendre un bain Baptismal à tout spectateur. C’est-à-dire de ne pas le mettre devant une image mais de le mettre dedans. La tête, la première, le corps suit en plongée, en apnée vous ressortez d’un jour nouveau. Ce chien de Après les pluies est ce même chien qui un jour tomba dans une crevasse de la forêt des environs de Brantôme, et se baptisa dans la grotte de Lascaux.
Les films d’Ariane Michel génèrent cet agencement préhistorique, cette sensation de s’immerger dans l’intime. À cette époque préhistorique, l’animal est le sujet principal et presque unique de l’art. Un art animalier naît. L’art d’Ariane Michel est plus proche d’un art animalier littéraire. Entre Kafka pour Rêve de cheval et Pœ pour Après les pluies. Au delà de la représentation, l’animal est outil de narration. Un levier de travestissement qui fait glisser le film dans une atmosphère de conte. Il y a dans ce cas un genre d’animal diégétique (le morse, par exemple, que l’on retrouve dans Sur la terre, présenté à Jeunisme 2), c’est-à-dire posé par le film lui-même. Plus exactement une fiction qui est sécrétée par le film lui-même, comme une décharge d’endomorphine est sécrétée par le corps lui-même.
Il n’y a aucune addition d’un produit extérieur. Le son est direct, l’image est pure. Le vivant contre l’artificiel. Mais tout a l’effet chimique, vision fantasmagorique, invention d’images mentales. Cette usine à produire de la fiction part du quotidien comme objet documentaire pour atteindre au mythique comme objet fictionnel, au sens où la fiction n’existe que par l’activité de l’esprit.
Cette image a en effet l’aptitude de nous faire redécouvrir le monde, la nature du monde comme la grande communauté de l’espèce, humaine et animale sous forme d’un conte. Mais elle a surtout une disposition à nous rappeler que c’est nous qui regardons. Car ce processus fictionnel a une mise en œuvre.
Le travail d’Ariane Michel consiste donc à fabriquer un objet qui ne se contente pas d’être là, inerte. Les films sont là pour que nous, spectateurs, nous transformions en acte responsable le fait de l’avoir sous les yeux. Ariane Michel, par le montage, témoigne de sa participation intime au destin des animaux et nous fait partager cette confession. L’œuvre d’Ariane Michel l’a conduite à rechercher une intégration toujours plus poussée de l’animal et du paysage, qui cesse dès lors d’être purement décoratif; cette intégration ne répond donc pas seulement à des préoccupations d’ordre plastique, elle a aussi une signification métaphysique. Les films ont une vision panthéiste de la nature. Tout est une unité, la somme de tout ce qui existe. Le film est la somme de l’animal, du paysage, et d’elle même.
Ariane Michel
Contemporain
Son - musique, vidéo
Artiste française née en 1973 à Paris, France.
- Localisation
- Paris et Esquibien, France
- Site Internet
- ddab.org/michel
- Thèmes
- Documentaire, fiction