Charlie Boisson
Il y a, au départ, la rencontre avec un objet au marché aux puces, rejouant curieusement l’anecdote rapportée par André Breton dans L’Équation de l’objet trouvé. Sa fonction première, souvent, ne se laisse plus deviner ; devenu inidentifiable, il pique la curiosité du-de la passant-e, et de l’artiste. Charlie Boisson est fasciné par le reliquat d’étal, qui, échappant à la compréhension, devient obsédant, fait figure d’aberration au point d’accaparer le regard. Cette élection fortuite élève l’objet au rang de fétiche (que ce soit au sens religieux, psychanalytique, ou même marxiste). Un imbroglio qui peut être débrouillé. C’est précisément ici que commence le travail de sculpture. L’assemblage est l’art de dévier les éléments, de les vouer à de nouvelles affinités, afin d’ouvrir les interprétations. Fonctionnant par associations, Charlie Boisson marie les objets selon des concordances formelles et symboliques, multipliant les références anthropomorphiques, sinon sexuelles. Dans tout objet subsiste, en creux, l’évocation du corps humain dont il était un attribut, lorsqu’il lui était encore affecté et qu’il répondait à un usage — perdu à présent. Ce corps absent ne lui a légué que sa contre-forme, et le laisse en proie aux fantasmagories de chacun-e. Dans l’érotique de l’assemblage, la métonymie est reine. Elle offre un semblant de cohérence au tout, met de l’huile de coude entre les matériaux et les associations d’idées, aspirant à l’unité. Les ensembles qui en résultent, de plus en plus complexes à mesure que s’enrichit le vocabulaire du sculpteur, trahissent une instabilité ; paraissent disloqués ; mais n’arrêtent pas de palier joyeusement à leur carence, de composer avec le manque.
— Antoine Camenen pour L’ahah, 2019.