Claire Trotignon
Claire Trotignon construit des espaces au sens propre et au sens figuré, comme des cabanes d’enfants sur une feuille de papier. Elle s’est parfois inspirée de l’univers du skateboard, une manière de s’approprier des espaces en les arpentant comme un géomètre (Raphaël Zarka commente cela dans ses Notes sur le skateboard). Dans ses dessins, on voit souvent des piscines vides, couvertes de graffitis. Peintes à la gouache sur papier, ou bien scannées et retravaillées, elles offrent des zones à explorer, béantes sur une page blanche.
C’est avec le geste du sculpteur que Claire Trotignon scanne et découpe des gravures du XVIIe trouvées dans des brocantes et conservées dans une sorte de bibliothèque de son imaginaire. Elle assemble ces fragments, après les avoir retravaillés, éclaircis, contrastés, pour dessiner des paysages romantiques dont le bouillonnement s’inspire de l’atmosphère des tableaux d’Hubert Robert ou de Caspar David Friedrich. Plus de deux cents morceaux de rochers, de végétation, de nuages ou de montagnes sont parfois collés les uns aux autres, presque imperceptiblement. Par ces assemblages, une cartographie de l’histoire de l’art se dessine hors-champ. Comme une perturbation, un élément d’architecture moderniste brise chaque fois l’harmonie de ces paysages et les ramène à la réalité contemporaine. Le plus souvent, le paysage flotte sur une page blanche, avec des bords très découpés.
Parfois Claire Trotignon traite de sujets plus politiques, notamment sur ses toiles de Jouy imprimées en papier peint. Elle y mêle des gravures de jolis bouquets de fleurs à des dessins tirés de photographies d’actualité. De loin on imagine des scènes champêtres, mais ce sont des théâtres d’émeutes. Il lui arrive d’accrocher des dessins sur ces papiers peints; la troisième dimension est omniprésente dans ses recherches. Au Transpalette de Bourges, elle a utilisé une salle abandonnée dont elle avait creusé le parquet pour y dessiner une jetée qui donnait sur un paysage monumental. De la porte d’entrée que l’on ne pouvait pas franchir, on regardait cette vue comme un panorama, comme un dessin dans l’espace.
Les lieux que montre Claire Trotignon sont souvent trompeurs, comme sa série de photographies d’immeubles berlinois. Par un effet de mise au point sur les toits de ces constructions, on a l’impression de se trouver devant des images de maquettes, alors qu’il s’agit de la stricte réalité. Dans ce mouvement de va-et-vient continu entre le vrai et le faux, entre le passé et le présent, le travail de Claire Trotignon est animé d’une réelle effervescence, à l’image de ses petites maquettes de maison en bicarbonate, sur lesquelles elle fait tomber un goutte-à-goutte d’acide citrique. En quelques heures, la matière prolifère, comme un nuage atomique, dans une lente explosion.
Claire Trotignon
Contemporain
Collage, dessin, installations, lithographie / gravure, sculpture, sérigraphie, techniques mixtes
Artiste française née en 1983 en France.
- Localisation
- Paris, France