Endre Tót
Endre Tót est l’une des figures emblématiques de l’art conceptuel et du Mail art à l’échelle internationale. Tót a développé ses idées conceptuelles avec les séries de Nothingness, Joy ainsi que Rain à partir de 1971. La première manifestation du Nothingness est apparue avec l’usage du caractère Zéro qui s’inscrit sur différents supports et dans différents médias. Les soi-disants Joys ou Gladnesses de Tót étaient des parodies humoristiques de la culture de l’optimisme qui ont occupé ses séries d’actions et ses œuvres durant de très longues années. L’exposition à la galerie nous en délivre un certain nombre.
[…] Sans exposition, sans perspective de partage, sans réception, quel intérêt y a-t-il à créer ? … Afin d’éviter la censure de son pays, il se rend secrètement à Belgrade, capitale de ce qui était alors la Yougoslavie, et envoie ses œuvres à l’Ouest. En s’emparant de toutes les possibilités offertes par le Mail art, ses nouveaux travaux peuvent enfin circuler, être communiqués, photocopiés, renvoyés ; ils ont une adresse. En 1971, le jeune historien de l’art Jean-Marc Poinsot l’invite à envoyer des contributions pour son ouvrage Mail art, communication à distance, concept ainsi qu’à la section « Envois » de la VIIe Biennale de Paris. Tót acquiert alors une reconnaissance internationale et se met à écrire spontanément aux artistes exposés. La série Rain — cartes postales sur lesquelles les barres obliques typographiques symbolisent une pluie artificielle — signale cependant très concrètement la séparation (My Rain, your Rain, 1971-79), l’isolement (Isolated Rain, 1971-79) ou l’intériorité de l’artiste reclus (Inside Rain, 1971-79). S’il est ici, il vous écrit, car vous êtes là-bas. En envoyant ses travaux hors du pays, l’artiste s’octroie la maîtrise des modes de circulation de son œuvre ; celle-ci franchit le rideau de fer. Il affirme par-là puissamment son individualité, à une époque où elle est volontairement empêchée par l’État totalitaire.
— Sophie Lapalu, critique d’art et curatrice — extrait du texte d’exposition Endre Tót, 2020