Fabien Giraud
« Pour son diplôme de fin d’année de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, Fabien Giraud squatte le bureau du directeur le temps d’une journée de performance : deux caméras dos à dos sont montées sur des rails accrochés entre les murs. Sur la table, on visionne la retransmission en direct du mouvement absurde de va-et-vient des caméras tandis que l’image, vide, bute contre elle-même.
Poursuivant ses études au Fresnoy, il réalise la première année une vidéo performance, The Straight Edge, pour laquelle il organise au Point Ephémère un concert « straight edge » (ce mouvement punk végétarien, à la fois radical et nietzschéen, né en Californie à la fin des années 1970) et imagine une chorégraphie faisant intervenir plus de 200 personnes. L’idée étant alors de décliner des formes — pogo, dispersion, ronde, lignes d’affrontement, ralentissement et accélération des mouvements — élaborées en amont suivant une grille aux réglages subtils. Et tenter ainsi de fragmenter la composition globale d’un concert en y révélant chaque strate et en « introduisant entre chacune des courants d’air ». Mais si la partition est minutieusement détaillée, elle reste impossible à appliquer telle quelle à un public de fans forcément poussé dans le retranchement de ses capacités de simulation. Du coup, la collaboration entre l’artiste-chef d’orchestre et ses punks, acteurs amateurs, s’établit autour d’une logique corrective et de contamination (des « agents » se mêlent à la foule pour donner le tempo) plutôt que d’une démarche directive et autoritaire.
Car c’est bien dans cette frontière poreuse mêlant des éléments contradictoires (un protocole strict et une situation chaotique faisant intervenir l’élément indéfini « foule ») que se joue l’intérêt de la performance, laissant volontairement place aux débordements, au hasard, au déraillement et à la fragilisation d’un système. Ici, bizarrement, on danse dans le silence, la musique n’intervenant que de manière ponctuelle comme pour relancer la machine humaine, élevant à coup sûr le rythme des corps et leur excitation. Ce qui constitue normalement la matrice de l’événement s’apparente désormais à un élément rajouté, toujours en retard, qui ne fait que justifier a posteriori la mouvance et la gestuelle des corps. Au final, paradoxalement, c’est l’excès de la forme qui devient la règle.
Parce que Fabien Giraud revendique une « croyance dans l’acte distordu », les objets ou les événements qu’il filme et met en scène sont travaillés de l’intérieur par des forces instables et archaïques. C’est encore le cas de sa pièce, Sans titre (Rodage), présentée au Palais de Tokyo : soit trois mini motos, à la fois sculptures brillantes, juchées sur un podium digne de ces salons automobiles gonflés à la testostérone, et objets ludiques qui se prennent pour des grands lorsque, tout d’un coup, leur moteur se met à vrombir. Quant à leur taille miniature, elle évoque un état larvaire en gestation, comme issu d’un possible enfantement de la machine. Synchronisés, ces engins semblent revendiquer leur autonomie, installant un rapport, voire une harmonie entre eux. Mais bien que dotées de moteurs à essence assourdissants qui immanquablement suggèrent leur évasion potentielle, les mini motos, dépourvues de pilotes et clouées au sol, sont à jamais condamnées à stationner sur leur socle d’exposition. »
Fabien Giraud
Contemporain
Installations, sculpture, techniques mixtes
Artiste français né en 1980.
- Localisation
- Paris, France
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