Hendrik Hegray
Hendrik Hegray est né en 1981 à Limoges. Il vit et travaille à Paris.
Inclassable, imprévisible, inféodé, autonome et collectif, Hendrik Hegray dynamite depuis quelques années les frontières de l’art en développant un œuvre singulier à la marge des disciplines et des courants via des ouvrages auto-édités, diffusant ou non ses propres dessins et collages.
Bercé par les expérimentations graphiques des années 80(particulièrement par le binôme Pascal Doury et Bruno Richard, fondateurs d’Elles Sont De Sortie) et mû par le désir initial de « faire des livres » proches des « graphzines » qu’il découvrait alors, Hendrik Hegray n’a cessé, depuis, de multiplier les collaborations et les productions pour inventer une myriade de créations visuelles difficilement identifiables qui ont suivi les vicissitudes de son esprit et de sa confrontation avec un milieu prolifique, s’y intégrant autant qu’il s’en émancipe. Ses images réinventent leurs origines et démontent leurs codes, empilées, compilées, piratées et finalement exposées dans un contexte qu’il fait sien, pour aboutir à une lecture renouvelée de leur sens. Face à la multiplication torrentielle des images du monde numérique, Hendrik Hegray oppose sa profusion concrète, kaléidoscope éclatant oscillant entre une tentative insolente de capter, par sa vanité, le goût de l’époque et la pratique jouissive de sa déconstruction sauvage. Car ses objets naissent d’abord d’un désir de « faire exister ce qui n’existe pas », autrement dit combler un manque, un manque d’idée, un manque de création qui l’atteignent, et le forcent à créer, par lui-même autant que « pour » les autres.
La collaboration, le désir de diffuser le travail d’artistes participent ainsi d’un même mouvement naturel.
Activiste de l’auto-édition, il publie depuis 2006 « Nazi Knife » et « False Flag » en collaboration avec Jonas Delaborde, deux revues faites de collages, dessins et autres montages agrémentées de contributions d’autres artistes qui créent à chaque parution un objet non identifiable, muet et assourdissant, corpus d’images, de signes et de références. À travers l’édition, les deux artistes s’emparent des codes de la diffusion pour y imposer leurs règles, insoumises et grégaires où les associations explosives inventent une temporalité visuelle. En parallèle, cet artiste prolixe développe une pratique de la musique « noise », multipliant les projets et performances en s’affichant sous des pseudos aussi divers que « Hélicoptère sanglante » ou « Popol Gluant ». Suivant une même logique, Hendrik dirige son propre label et signe les pochettes de disques des groupes qu’il diffuse.
Car il en va de sa pratique du dessin comme de sa musique, mue par une urgence essentielle associée à un regard lucide sur le monde. Usant de la technologie pour partager des percepts bruts, il fait naître une tension surprenante entre spontanéité et réflexion sur la technique.
Impression, répétition, re-création, les moyens de production et de diffusion deviennent autant de questions abordées frontalement par cet artiste singulier qui investit le champ de l’art aussi bien par sa façon de rester en retrait (ses dessins ne sont que très peu exposés, lui-même ne possède aucun « book » ou autre dossier d’artiste) que par l’expansion du multiple, le recours à l’objet reproduit et destiné à être pris en main, parcouru et, en quelque sorte, pratiqué.
Une ambiguïté constitutive qui se retrouve dans sa pratique du dessin. S’il est au cœur de sa démarche, celui-ci n’a cessé d’évoluer. De la profusion de formes géométriques, de l’enchevêtrement des pleins et des vides, le trait de Hendrik Hegray se fait plus organique ; réalisées à la plume, ses chimères mêlées d’organes, poils, peaux, muqueuses, écailles, et griffes, dessinent un carrousel dégénéré et dégénérant, imposant une radicalité brute et inquiétante. Et derrière la spontanéité apparente, derrière le minimalisme du noir & blanc, ce sont bien souvent des compositions d’un équilibre redoutable qui émergent et inventent leur propre forme, tantôt créatures, tantôt paysages pour inventer un univers singulier et stimulant.
Mais la crudité, la provocation n’ont rien d’une fin en soi ; à l’inverse du choc, Hendrik Hegray cherche le trouble, ce sentiment étrange de voir émerger une cohérence des profondeurs de l’incohérence. Un trouble bien réel qui naît dès que l’on comprend que, derrière la prolixité de sa démarche, derrière les multiples ramifications de son œuvre complexe, un même effort d’attention l’anime, un besoin de préciser, chaque fois un peu plus, le sens de son travail. De cette précision envisagée comme méthode, c’est un véritable langage que Hendrik a créé, un langage qui évolue à mesure qu’il s’affirme, pour ne jamais se laisser enfermer en une simple identité.
Guillaume Benoit, 2014
Hendrik Hegray
Contemporain
Dessin, lithographie / gravure, techniques mixtes
Artiste né en 1981 à Limoges, France.
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