Jeffrey Silverthorne
Avec un goût prononcé pour la mise en scène, les photographies de Jeffrey Silverthorne exhibent sans concession les corps dans ce qu’ils ont de plus troublant, et universel. Se référant volontiers aux compositions de Rembrandt, Velázquez ou bien encore Goya, l’artiste construit ses scènes comme des tableaux, donnant au genre du portrait (dont il s’est fait une spécialité) une profondeur existentielle, voire mythologique. Des prostituées de Nuevo Laredo (de la série Tex-Mex) aux cadavres de Rhode Island (Morgue Work), la vision échafaudée l’emporte sur l’objectivité documentaire et révèle ses sujets dans toute leur ambivalence. L’érotisme des chairs, fatiguées ou inertes, est mis à distance. On trouve çà et là, au fil des différentes séries, des accessoires insolites, ou encore des collages de clichés et de négatifs qui ajoutent à l’étrangeté des images. Fonctionnant souvent à la manière de vanités, ils introduisent le thème de la mort et de la dégénérescence. Ils ne manquent pas d’introduire, également, de l’onirique. Ces visions de rêves ou de cauchemars, avec le secours d’un flash ou d’une ampoule électrique, jettent un éclairage cru sur les désirs les plus intimes. Ainsi, des séries récentes telles que Suzanna and the Elders et Growing Older théâtralisent, sous forme d’autoportraits, la relation de l’artiste à son modèle ainsi que les mécanismes du désir qui l’anime. La sexualité et la mort y affichent leur intemporalité, nourrissant une parabole de la création. Mais l’invraisemblable et le comique sont là, chaque fois, pour distancier la cruauté inhérente à ces images ; et les scènes d’inspiration mythologique ou biblique virent à la farce quand le miracle d’une Annonciation a lieu dans le capharnaüm d’une cuisine.
— Antoine Camenen pour L’ahah, 2019.
Jeffrey Silverthorne
Contemporain
Photographie
Artiste américain né aux États-Unis.
- Localisation
- États-Unis
- Thèmes
- Société