Katrin Koskaru
La peinture de Katrin Koskaru est attentive à la manière dont le pouvoir et la violence se frayent, à travers l’histoire, un chemin jusqu’à nos esprits. À la manière dont s’égarent les indices et les signes laissés par eux dans le temps ; dont l’architecture, vectrice d’idéologie, offre un relais. La récolte d’informations fonde une part importante du travail de l’artiste, qui suit scrupuleusement l’actualité militaire et en accumule les articles, images et vidéos glanés dans les journaux ou sur internet. Certains constituent des témoignages directs de personnes présentes dans les zones de conflit. Les documents, soumis aux aléas de la traduction et de la retransmission, accusent inévitablement une perte ; la guerre s’affirme dès lors comme un sujet réfractaire. C’est à ce processus d’entropie que s’en remet la peinture de Katrin Koskaru. Elle met en œuvre des gestes d’effacement, abolit les signes et conserve les marques de ses recouvrements au lavis. Des marges (des décalages ?) sont signifiées dans nombre de peintures. Des collages (de papier sur polyester par exemple) complexifient ailleurs les supports. Diaphane et imprévisible, la technique de l’aquarelle compose avec l’accidentel, et souligne une certaine fragilité. L’artiste use, en outre, d’outils pauvres, tel que le stylo à bille ; elle joue avec l’instabilité du pastel ou de la javel pour que s’évaporent les images à peine formées. Le figuratif se dissout dans des paysages nébuleux et abstraits ; laissant le spectateur ou la spectatrice à une sensation d’aveuglement. La destruction est de mise. Et les flashs lumineux, qui semblent inonder chacune des compositions, ne manquent pas de rappeler l’explosion atomique. Sûrement y a-t-il, dans cette peinture devenue atmosphérique, une possibilité de représenter l’irreprésentable.
— Antoine Camenen pour L’ahah, 2019.
Katrin Koskaru
Contemporain
Peinture
Artiste estonienne née en Estonie.
- Thèmes
- Abstraction, société