Laura Gozlan
La pratique de Laura Gozlan se nourrit d’utopies scientifiques, architecturales et des communautés que celles-ci fédèrent avec une prédilection pour leur représentation dans le cinéma de genre. Elle génère des flux vidéos assemblant sans hiérarchie des images empruntées et parfois images tournées qui sont montées sur des pièces sonores produites en amont avec des outils numériques, dont les phases et les motifs vont chercher du côté des états de conscience modifiés. Elle puise tant dans le ferment du giallo *, du film d’anticipation des années 70-80, que du document scientifique. Tous trois recèlent à leur insu d’archétypes et de mythes techno-utopistes qui nous renseignent sur le complexe militaro-industriel de la guerre froide, sa bipolarisation idéologique et sa concomitance avec les utopies de la contre-culture. Formée aux Arts Décoratifs de Paris puis au Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains jusqu’en 2007, Laura Gozlan a progressivement réorienté la fabrique de film de fiction pour développer des dispositifs de projection assemblant documents et maquettes puis des environnements sculpturaux moulés dans la cire et accueillant des projections dans la logique de l’Expanded Cinema de Gene Youngblood. La réunion de ces pratiques vise à prendre l’image non comme une simple surface, mais plutôt comme un espace. Par des opérations de défragmentation, de froissement et de réflexion, elle poursuit des recherches sur la génération d’une forme de tridimensionnalité dans l’image projetée. Laura Gozlan utilise le vidéo-projecteur comme un pinceau de diffraction se répercutant de surface réfléchissante en surface transparente (plaques de verre assemblées par 2 ou 3, cristaux) et générant une projection spatiale et défragmentée qui semble rejouer l’éternel battement entre dé-matérialisation et re-matérialisation de l’image. La matière projetée, parfois mâtinée de l’érotisme codifié et vénéneux du Giallo ou encore du degré zéro de l’archive scientifique, fait affleurer une texture archétypale qui s’érige en un flux de fiction abstraite, pulsionnelle, et à l’affect dépersonnalisé. C’est que l’usage du found-footage œuvre précisément à ce détachement de l’image, qui relève d’avantage ici d’une sensibilité collective qu’individuelle.
La cire moulée ou projetée participe à cette indétermination, en évoquant matériellement des figures de transformation propre à l’alchimie et c’est au spectateur de reconstituer mentalement l’image qui s’y trouve comme fracturée. C’est dans ces interstices qu’une certaine distance critique est réintroduite, prenant le regardeur en étau entre une attirance pulsionnelle pour les images et une re-subjectivation de l’affect.
- Sous-genre du film d’exploitation, majoritairement transalpin, mêlant dans des mises en scène très stylisées et parfois expérimentales les genres du thriller, de l’érotisme et de l’épouvante et trouvant son apogée autours des années de plomb, avec des cinéastes tels que Mario Bava, Lucio Fulci et tardivement Dario Argento.
Laura Gozlan
Contemporain
Film, installations, sculpture, vidéo
- Thèmes
- Perception, science, science fiction