Laura Henno
Ceux qui ont déjà assisté à une éclipse totale de soleil se souviennent de ce moment à la fois inquiétant et fascinant qui précède l’arrivée de l’obscurité : les animaux se taisent et s’immobilisent, tout semble s’arrêter et attendre. On éprouve un sentiment similaire devant les photographies de Laura Henno, l’impression que le temps est suspendu, figé, et que, dans cet entre-deux, les êtres sont livrés à une force invisible et mystérieuse.
Ce sont des adolescents ou de très jeunes gens, isolés dans leur rêverie ou soudainement immobilisés par quelque chose qui nous échappe. Ils nous apparaissent clairement comme des personnages sortis d’une narration. Mais nous ne saurons rien de leur histoire, de ce qu’ils regardent, de ce à quoi ils pensent. Et, parfois, nous ne connaîtrons même pas leur visage car ils nous tournent le dos ou sont happés par l’obscurité. Les photographies de Laura Henno sont en effet souvent construites sur des contrastes très marqués de clair-obscur, le personnage étant seul dans la lumière, et ce qui l’environne délibérément laissé dans l’ombre. Lorsque toute la scène est éclairée, comme dans Freezing où la lumière blafarde recouvre le paysage d’une blancheur glaciale, demeure ce qu’on pourrait appeler « le mystère du hors champ », la conviction que quelque chose est là, dont nous ne savons rien, qui exerce sur le personnage une invincible attraction. […]