Ludovic Michaux
En 2000, alors que mon travail prenait une orientation photographique, j’eus l’occasion d’effectuer des voyages en Europe de l’est et de séjourner quelques semaines en Roumanie — à Sibiù (aux pieds des Carpates) et à Bucarest. J’y fus frappé par l’étrangeté d’un sentiment de familiarité avec des lieux pourtant inconnus et débutais un travail sur l’espace urbain et ces données relatives et communes que sont l’inscription d’une mémoire historique et la projection des figures tutélaires d’une société dans celui-ci. Ce travail se poursuivit à Paris, capitale du XIX ème siecle fortement emprunte du modèle classique de la mise en scène théâtrale comme espace de représentation, puis à Rome que plusieurs années de pouvoir autoritaire fasciste, au moment du succés de l’architecture rationnaliste dans l’Europe des Idéologies et de l’avénement de l’ordre monumental, tentèrent de mettre au service d’une imagerie de propagande directement heritée du cinématographe, par le jeu des ruptures de plans dans les perspectives anciennes, des frontalités et des brusques rapports d’échelles que les espaces nouvellement conçus opposaient à un citoyen atomisé.
En 2004, après une journée de travail dans Rome, je rentrais à mon logement à travers les jardins de la Villa Médicis, et tombais, involontairement, en arrêt devant un arbre jouxtant les murs du pavillon où j’étais reçu. Rendu incapable de mouvement durant un temps inestimable, je sentis le parcours de sa sève en moi, la rigidité de son écorce gagner mon corps, son goût âpre dans la gorge et le poids de sa parure de branches et de feuillages sur la nuque et les épaules. Prisonnier d’un être-là halluciné, je ne pus que goûter avec effroi et ravissement le bruissement des feuilles que l’air agitait.
Mon travail se situe à la confluence de ces deux mouvements contradictoires et complémentaires; un questionnement impérieux sur ce qui est, et les circonstances de l’être au monde entre Histoire et mythologie, et la conscience désarmante de la vacuité de ce questionnement même, devant la résistance de toute réalité à sa résolution.
Ludovic Michaux
Contemporain
Dessin, installations, peinture, sculpture, techniques mixtes
Artiste né en France.
- Localisation
- Bruxelles, Belgique