Michel Journiac
Visionnaire créateur de visions pour l’avenir, de la mise en scène de soi à la transformation du genre en passant par la marchandisation du corps, Michel Journiac semble représenter une anthologie des enjeux artistiques de son siècle et du suivant.
Car Michel Journiac, dans la fragile solitude de sentiments éclatés, n’a jamais cessé de confronter sa parole au monde. Qu’il l’exhibe dans des textes, le taise devant un parterre de spectateurs conquis ou le conceptualise auprès de ses élèves, le mot entretient un lien indéfectible avec un œuvre qui se prolonge, au-delà des présentations salutaires qu’en a fait la galerie, avec bonheur dans ce travail d’édition passionné.
Remettant lui-même en cause, tout au long de sa vie, les conceptions que l’on pouvait nourrir à son égard, Journiac use d’un « non » qui force à ne jamais tenir pour acquis les fondamentaux d’un œuvre que l’impertinence, l’énergie, l’intelligence, l’émotion, la malice et la souffrance qu’il y a investi ne cesse de rendre actuelle et mouvante. Armé de l’outrance du grotesque, particulièrement souligné dans la perception d’alors du travestissement, Journiac nous ramène à l’horreur du quotidien, l’horreur d’un monde de normes petites-bourgeoises où femmes et hommes sont des rôles, des poses à observer pour obéir aux injonctions d’une société qui porte en elle les germes de sa propre mort.
Le corps devient le support d’un engagement immatériel, d’une volonté de communauté qui, finalement, le singularise encore plus et l’exclut de l’ensemble des humains. Mais il permet aussi de porter au jour, de partager cette souffrance invisible de l’abandon, de la porter à la connaissance, la supporter proprement au sens où le corps devient support et le vecteur du symbole.
C’est en « jouant » finalement la « vie » des autres qu’il façonne ses plus belles partitions de la vanité, cette extinction irrépressible du corps face à laquelle certains abdiquent dès avant le terme de leur vie.
Guillaume Benoit
Vous êtes l’artiste ou sont représentant?
Réclamer cette fiche