Olivier Magnier
De la philosophie idéaliste aux récits populaires, de sciences dures en rêveries ouatées, de paysages romantiques en terrains de sport, l’imaginaire arrive par surprise, au détour de cette vaste flânerie dans laquelle l’art d’Olivier Magnier a pris l’inspiration en filature. Une errance magnétisée, où l’émerveillement ne trouve aucune aire de repos, la fascination aucun ménagement, simultanément attirée par l’infiniment petit et l’infiniment grand, mue par une passion égale pour les chefs d’œuvres et les phénomènes naturels. Cet appétit omnivore semble traduire un désir fébrile de connaissance absolue dont la méthodologie s’abstiendrait de choisir entre la pensée rationnelle et l’extase poétique. Le nouvel esprit scientifique est ici ressuscité dans une humeur doucement régressive et solidement mélancolique, mais qui, là où tout a déjà été élucidé, où le moindre mètre carré de terre et de ciel a été découvert, n’a d’autre moyen pour entretenir ses fantasmes de révélations que d’inventer de nouveaux secrets et d’en alimenter la rumeur en en créant les pièces à conviction. Ainsi le statut de ces objets est-il d’emblée mis en doute quand ils prennent la forme d’un relevé cartographique ou d’un échantillon prélevé, évoquant avec malice les pratiques d’exposi- tions de l’art minimal «site-specific» dans les années 70.
Bile noire (2012) est une banale carte du ciel exposée dans un verre sur lequel apparaît en sérigraphie une nouvelle constellation. À cheval sur la voie lactée, elle décrit la forme du polyèdre représenté dans la Melancholia de Dürer. Le geste qui donne naissance à une autre réalité est simple et réversible, sans conséquence, comme un calque délicatement posé sur le monde.
Le dessin, la gravure, le modelage, la sculpture multimédia, sans préférence pour une technique mais affirmant sans cesse un goût pour l’expérimentation, produisent les preuves de ce qui pourrait être un monde parallèle, si les choses hétérogènes qui naissent dans l’atelier étaient de la même espèce, composaient le décor d’une même fiction dont l’intrigue nous échappe vertigineusement. De quel continent a été rapporté ce petit cactus de terre crue Cactus, (2012) ? Quel est cet écosystème auquel il a été arraché, dans lequel les pierres sont plus fragiles que les plantes, et la mort plus émouvante que la vie ? Peut-être de celui où les cailloux contiennent des systèmes solaires autonomes, bien que sous ces latitudes étranges il soit plus probable de trouver ce genre de Météore (2011) dans une boutique de souvenirs que lors d’une expédition. Sa croûte en résine moulée a beau exhiber son caractère factice, comme celle du scintillement observé en son cœur, la fausse pierre rare parvient à susciter l’enchantement. Elle est une descendante bionique des «pierres de rêve» collectionnées en orient, dont l’aura et le prix sont proportionnels au réalisme fortuit du dessin apparaissant sur la tranche (une montagne ou une fée). L’excitation de la curiosité par ce qui ne cache pas sa nature d’artefact et, plus encore, d’œuvre d’art intentionnelle, procède donc du syndrome inversé de la pierre de rêve. Une telle hypothèse verrait dans ces objets au statut suspect, les accessoires d’une étude comportementale dont nous serions les cobayes extasiés.
Olivier Magnier
Contemporain
Dessin, lithographie / gravure, peinture, photographie, sculpture, sérigraphie, techniques mixtes
Artiste français né en 1981 à Nogent Sur Marne, France.
- Localisation
- Nantes, France