Roman Moriceau
Roman Moriceau pose et utilise comme programme-création la question suivante : est-il encore possible de créer des œuvres dont la finalité travaille, avec finesse, leurs dimensions économiques (politiques) et esthétiques (théoriques) et, avec fermeté, leur processus de production, sans négliger, bien au contraire, l’aspect formel des choses ? Sur ce dernier point, l’artiste ne cesse d’interroger notre faculté d’aller au-delà du rétinien, de dépasser le premier degré de lecture des œuvres proposées. Moriceau aime à jouer avec les apparences tel un soleil trompeur. Roman Moriceau est un artiste moderne dans le sens romantique du terme. « Il s’agit, pour lui, de dégager de la mode ce qu’elle peut contenir de poétique dans l’historique, de tirer l’éternel du transitoire » (Baudelaire dans Le Peintre de la vie moderne). Pas seulement, car quelques-uns de ses choix plastiques, ad minima et cognitifs, renvoient à certaines avant-gardes. La géométrie, les couleurs primaires dont le noir et blanc, l’emploi de la série rappellent les grandes heures de la première modernité continentale et américaine. Il y a de l’iconoclasme dans ses propositions.
[…] En revanche, l’attitude décomplexée vis-à-vis des sujets traités, la démarche intellectuelle à tiroirs et fondée sur le leurre renvoient au postmodernisme. Nous serions dans un projet artistique revenu de ses principaux dogmes — l’originalité et la nouveauté.[…] Dans cette démarche, les armes du postmodernisme déjouent toute idée de croyance d’un monde meilleur. L’artiste n’est pas dupe. Il ne s’agit pas de « faire » (« Just do it ! ») mais « de faire avec » (« To do it with »).
Roman Moriceau semblent faire écho aux réflexions menées par le philosophe Francesco Masci autour de la notion d’entertainment. Lisons-le : « Avec l’entertainment, la séparation, née avec la scission préromantique, de la culture et de la société, touche à sa fin. L’entertainment est l’achèvement de la culture absolue, sa réalisation -socialement effective. […] Dans le devenir fictif du monde, ce sont les puissances négatives des images qui se — chargent d’agréger les individus, en sauvegardant leur — séparation réelle. »
Roman Moriceau
Contemporain