Lang & Baumann
Sabina Lang et Daniel Baumann sont nés à l’orée des années 1970 et travaillent ensemble depuis plus d’une décennie. Leur signature — L/B — reconnaissable au premier regard agit comme une marque de fabrique, « un signe attestant un contrôle » pour en reprendre la définition la plus concise.
Ils embrassent avec décontraction les formes et les motifs de leur enfance, apparus dans les années 60, sans verser dans la nostalgie ou la réaction. Les références au passé sʼinscrivent dans une stratégie dʼutilisation de signes familiers, simultanément connectés à un vécu personnel et à un imaginaire collectif. Les artistes semblent partager lʼesprit de lʼépoque : une foi dans le futur et un décloisonnement des pratiques artistiques, conjugués à une assimilation décomplexée des cultures populaires ; musique, architecture, art, design, sciences sociales avançaient alors de concert au bénéfice la création.
L/B répond au désenchantement des années 2000 par de belles entrées, beautiful entrance, de beaux murs, beautiful walls, de beaux salons beautiful lounges, de belles fenêtres, beautiful windows et des aires de jeux Spielfeld. Dessiner un bar, un baby-foot, une table de billard ou même une chambre d’hôtel reste pour eux la promesse d’une expérience esthétique unique. Toucher, utiliser, ou habiter les espaces, leurs œuvres sont autant dʼinvitations adressées aux spectateurs. Les codes relationnels liés à la détente, au bien-être, au jeu, ne constituent pas une fin en soi mais le moyen d’un accès simple et renouvelé à l’œuvre par un échange hédoniste.
Les matériaux et les formes sont choisis pour leurs qualités plastique et fonctionnelle, la moquette est douce, elle influe également sur l’acoustique du lieu. Les surfaces plastiques, brillantes et les angles ronds modifient notre appréhension des dimensions et des distances. Les peintures murales ou installations affectionnent le surplomb, l’angle, le motif cinétique pour accentuer une perte de repères. L/B opère par recouvrement de lʼexistant (murs, routes, terrains de sports), agit depuis la surface. La pratique du all over permet de déborder de la surface du mur-cimaise comme espace dʼexposition, afin dʼexploiter librement les sols, plafonds et éléments de mobilier pour la conception dʼenvironnements. Les beautifull walls réalisent le passage de la surface au volume, de la deux dimensions à lʼespace tridimensionnel.
Ni fascination béate, ni aveuglement de leur part, Sabina Lang et Daniel Baumann sont bien des artistes de leur temps. Ils maîtrisent parfaitement le potentiel des formes qu’ils utilisent et articulent leurs corollaires sociaux et politiques — un vent de liberté et une croyance en la capacité du politique à changer la société.
Quand le design joue sur la sérialité et une large distribution, L/B propose des œuvres qui infléchissent les logiques commerciales : l’hôtel Everland consiste en une chambre dont la réservation dépend plus de la pugnacité du client que de son offre financière. Là où l’architecture se construit et s’inscrit au long terme, les environnements de L/B privilégient des formes éphémères liées à des espaces architecturés préexistants, notamment le cube blanc. Par la matérialisation dʼune pensée pragmatique des espaces d’exposition et de leur habitabilité, L/B lève toute ambiguïté : l’architecture et le design au quotidien seront toujours pour eux un art, et non une fonction dans l’attente d’une utopie retrouvée.
Lang & Baumann
Contemporain