Silvia Bächli
L’œuvre de Silvia Bächli obéit à une discipline quotidienne. Chaque jour, généralement de 11 à 14h, elle s’assoit à sa table de travail et produit une grande quantité de dessins. En début d’après-midi elle marque une pause, puis elle regarde ses dessins de la veille, constitue des piles et en écarte la majorité. Le reste de l’après-midi, la plupart du temps, se passe en promenades. (Mais, déambuler, il faut le reconnaître, fait partie, sinon de son travail, du moins de l’entraînement qui lui est nécessaire.) Et puis parfois, le soir, elle dessine à nouveau. Ce calendrier, bien sûr, peut supporter des exceptions. Celles, notamment, qui sont dues aux voyages.
Pour la première visite que je lui rendis à Paris, l’artiste m’envoya un mot : « Si vous sortez du métro, il y a une seule rue qui monte. Vous la suivez , il y a à gauche un cimetière et après 3-5 minutes vous arriverez à un croisement de 5 rues. Ma rue est celle qui est entre les deux bars. Le n° 15, c’est la deuxième porte à droite. Il n’y a pas de sonnette, mais la cuisine est directement derrière la porte… frappez s.v.p. »
L’espace ne s’offre jamais comme un « cadeau du ciel », chez Silvia Bächli. Et la promenade est avant tout nécessaire et reconstituante, comme lui sont nécessaires les repères trouvés en chemin. Pas de repères sans promenade et pas de promenade sans repères. Voilà pourquoi ses dessins peuvent être assimilés aux pages détachées d’un carnet de bord.
Mais, enfin, pourquoi citer cette feuille de route ? Parce que quand je la relis à froid, son impeccable précision topographique révèle quelque chose d’essentiel dans le travail de l’artiste : suggérant alors l’image d’une circulation à travers les signes et à travers le temps : entre espace intime et espace extérieur. Circulation d’une extrême fluidité mais toujours réfléchie. Circulation aléatoire mais toujours parfaitement contrôlée. Glaner des repères à l’extérieur, en effet, les emporter chez soi, les transformer — comme la ville incorpore des arbres et d’autres végétaux d’ornements pour se rendre supportable — ; ou, au contraire, déplacer des éléments de l’espace privé vers la neutralité de la page blanche ou du mur blanc ; ces deux méthodes, pourtant opposées dans leur orientation, cœxistent dans le travail de Silvia Bächli […]
« La façon dont je place mes dessins, écrit Silvia Bächli, forme la troisième étape dans le processus de ce travail. D’abord, je produis des dessins chaque jour et je les glisse dans un carton, en évitant de juger s’ils sont bons ou mauvais. La deuxième étape correspond au moment où je jette beaucoup de ces dessins et n’en garde que quelques uns. A la fin, au cours de la troisième étape, et généralement en ayant un lieu spécifique en tête, j’essaie de les disposer en fonction des relations qu’ils peuvent avoir entre eux. Chacun d’entre eux est un son. Chaque tonalité a une intensité, une couleur, une attitude, une extension, une clarté, un poids particulier. Les pauses et les espaces intermédiaires ont exactement la même importance. Chaque dessin dégage un espace qui lui est propre autour de lui — un champ de forces. Un dessin doit trouver sa bonne distance entre deux autres. Ce sont des amis, des relations, des associés, des représentants de commerce assommants, des couples d’amoureux, des jumeaux, des paresseux, des solitaires. Chaque dessin constitue un point de repère dans un réseau de relations. Il n’y a pas de centre dans ce réseau. J’essaie de trouver un équilibre dérangeant dans ces espaces. »
Silvia Bächli
Contemporain
Dessin
Artiste suisse née en 1956 en Suisse.
- Localisation
- Bâle, Suisse
- Site Internet
- www.silviabaechli.ch
- Thèmes
- Paysage, texte
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