Tatjana Doll
Tatjana Doll est peintre. Et allemande. Si on ajoute à cela qu’elle est née près de Düsseldorf, on prend bien conscience du poids de l’héritage et de la volonté aussi, sans doute, de se distinguer de celui-ci. C’est ainsi que l’artiste a choisi de travailler sur l’objet (forcément…), le quotidien, le signe. Dans l’exposition 2big4u, on retrouve ainsi des pictogrammes, des panneaux de métro, des prises électriques, du langage sms, des stéréotypes de tout ce qui constitue notre environnement immédiat, une certaine vision de la banalité, aussi. Une thématique qui fait évidemment écho à deux grands courants artistiques du XXe siècle, le Pop Art et l’hyperréalisme, deux courants qu’elle semble rejeter en bloc.
Elle refuse la séduction de l’objet, la dénonciation d’un certain état du monde consumériste, le rendu au fini impeccable, la critique du sujet de l’un et de l’autre. Tatjana Doll impose un style fait de giclures, de coulures, de dépassements et de recouvrements, de lignes pas toujours droites et de couleurs pas toujours franches. C’est ce qui fait que la peintre semble plutôt travailler sur le médium pictural que sur le sujet lui-même, réintroduisant une subjectivité par la matière dans une objectivité factuelle et superficielle.
Tatjana Doll est peintre. Surtout. Si l’éloignement des pièces crée un sentiment de froideur et de lissage de la surface, celui-ci disparaît avec la confrontation rapprochée du tableau. Les châssis extrêmement fins sont recouverts d’une peinture enamel qui impose une certaine dureté mais dont les reflets sur la surface de la toile permettent de créer des miroitements sensibles. Peu de relief mais beaucoup d’accidents, tâches et débordements, qui suggèrent la présence de l’artiste derrière l’anonymat des formes. Par exemple, les deux « portraits » intitulés Foto BB, côte à côte offrent toutes les comparaisons possibles. Si l’on tend vers une abstraction géométrique pour l’un, l’autre penche vers l’abstraction lyrique et, tout en conservant une certaine rigueur, se rapproche des éclats de Joyce Pensato. Pikt Tanz 3 dévoile une autre facette de cette technique dissimulée derrière le sujet (un couple de danseurs logotypé). Le noir envahissant surgit sur des couches de couleurs qui se devinent plus qu’elles ne s’affirment. Bleus, jaunes, violets, rouges servent de rehauts à la bichromie noir-blanc de l’ensemble dans une parfaite maîtrise du geste.
Tatjana Doll est peintre. Seulement ? Au-delà de la technique picturale évidente, que reste-t-il ? L’inscription « 2big4u » paraît vouloir déborder du cadre, contrainte par le format. Un symbole du sujet perdu et de la possible submersion de l’artiste dans son style. La réflexion que l’artiste s’impose sur le format taille réelle, efficace sur ses séries de voitures ou de mobiliers urbains, ne fonctionne pas vraiment sur la thématique de l’isotype: l’haltérophile géant de Pikt Stemmer n’impressionne sans doute que le collectionneur au salon exigu. La pertinence de l’acte s’affaiblit dans la recherche constante du sujet.
Certes, la banalité et la négation du spectacle, une forme de désenchantement, que porte le regard de l’artiste sur notre monde est, en lui-même, possiblement pertinent. Mais la fracture qui se creuse entre technique et représentation nuit à l’achèvement de l’entité du tableau. Une fracture peut-être pas irréductible.
Tatjana Doll
Contemporain
Peinture
Artiste allemande née en 1970 à Burgsteinfurt, Allemagne.
- Site Internet
- www.tatjanadoll.de
- Thèmes
- Objets, société
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