Théophylle Dcx
La pratique artistique de Théophylle Dcx mélange écriture poétique, performance et vidéo. Au travers de ces médiums, il explore et met en scène ses différentes coordonnées sociales et politiques de jeune pédé, de personne séropositive, de travailleur du sexe, d’artiste et de fêtard passionné par la musique, la danse et le clubbing. L’affectivité, l’amour et le désir jouent un rôle important dans les narrations qu’il déploie dans ses vidéos comme dans ses performances. L’empuissancement par la célébration collective, le lien aux autres, la force des mots, les possibilités et les limites du corps sont autant de sujets qui traversent les dispositifs, toujours situés, qu’il présente au public. Souvent collaboratifs, ses projets incluent des proches, artistes, activistes, ou auteur·ices avec lesquel·les il se sent en communauté. Son travail traite le corps comme une archive et un geste politique incarné, sur lequel apparaissent les reflux de l’histoire, les enjeux des luttes sociales et le besoin d’émancipation vis-à-vis des régimes normatifs contemporains.
Curriculum Vihtae prend une forme de vlog où tu racontes des éléments très intimes de ta vie. Qu’est-ce qui t’intéresse dans ce format ?
Lorsque j’ai rassemblé toutes mes boîtes de médicaments l’année dernière, j’ai eu envie de créer à partir d’elles, mais je n’étais pas encore prêt à m’en séparer ni à ce qu’elles soient exposées ou déplacées. L’idée d’un format vlog est apparue très rapidement, me permettant de capturer l’instant au plus près. Même si j’avais déjà en tête une timeline avant d’enregistrer la vidéo, la spontanéité des souvenirs qui resurgissent face aux boîtes de médicaments viennent alors redécouper et redynamiser mon discours dans les va et vient de la caméra. Ce format me permet de partager un moment intime avec les boîtes, de manière fluide et directe tout en me permettant de garder cet instant pour moi et conserver les objets auxquelles j’accorde surement encore trop d’importance. La musique est très présente dans ton œuvre.
Pourrais-tu nous dire quelques mots sur le rôle que tu accordes à cet élément ?
Dans mon travail il y a presque toujours la musique, sur laquelle j’intègre mes/nos moments de vie, comment je m’y suis construit et ce qui nous noue — ce que l’on traverse. J’utilise la musique, son langage, mais aussi ses contextes ; comme la mémoire musicale, celle qui m’est personnelle, celle qui peut être historique et son surgissement dans un présent convoqué. Parfois ces musiques portent en elles des luttes, des mouvements, des communautés, qui nous font échos. Très souvent je la conçois comme un élément fixateur et un réel tissu social. Il s’agit en majeure partie de musique pop, d’hyperpop et de remixes, qui nous permettent de se retrouver sur des vécues en commun dispersés, et de se transmettre leurs forces.
Est-ce que dans ta pratique tu réfléchis à la place qu’occupe la·e spectateur·ice ? Quelle est ta relation avec iel ?
Oui, bien sûr, je pense surtout à mes performances solo ou collectives où j’ai pu activer des « situations clubbing »» e n y mêlant des lectures. De percevoir en la danse et l’instant performance une forme de célébration collective, mariant les mots à la musique — de façon à considérer les spectateur.ices comme des corps de souvenirs et ainsi de transmission. Mais aussi voir en l’invitation à la danse toustes ensemble un moment d’empuissancement, de relâchement ou de recueil. Dans des dispositifs de lecture, je perçois la possibilité d’ouvrir un moment et de plonger dans tout ce qu’il a de sensible et le regarder se défaire doucement de tous ces tournoiements. Pour cela, j’aime pouvoir être dans des espaces/assises confortables de manière à construire une proximité plus intime avec le public.
La Ferme du Buisson, texte et entretien publiés à l’occasion de l’exposition Les Sillons
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