Ran Zhang — À propos — Slash Paris

Les images que produit Ran Zhang offrent des zooms sur la matière, explorant sous divers angles, d’une série à l’autre, les arcanes du monde sensible. Peut-être que le·la regardeur·euse éprouvera un sentiment de berlue face à elles, tant il est difficile de comprendre ce qu’elles montrent jusqu’à l’excès. Les textures et les nombreuses couleurs qu’elles arborent saturent l’espace du cadre et donnent lieu à des visions bizarres et chaotiques. C’est le cas, par exemple, dans la série de photographies Natritine Gaze, où l’artiste recourt à un microscope afin de pénétrer les mailles du visible. Fixant sa lentille sur des objets aussi bien synthétiques qu’organiques, les formes tendent vers l’abstraction et affichent une qualité toute picturale. Ran Zhang ajoute d’ailleurs fréquemment à ses tirages des encres ou des pigments (entre autres choses), brouillant encore davantage la lecture. Quant aux motifs peints et aux perforations qui mouchettent la surface des photographies de la série plus récente Chiral, ils se confondent tout à fait avec l’image originale, achevant de transmuer le réel, soumis aux distorsions du regard. C’est une action quasi alchimique qui opère là. L’image, située entre le sujet et le monde, révèle dès lors les influences qui unissent l’un à l’autre, et défie l’objectivité. Aux ambitions scientifiques de tout voir, répondent ces reproductions retouchées dont la trame exhibée à force d’agrandissements marque les limites de la vision… en même temps qu’elle rappelle les atomes, qui font, précisément, l’intimité de la matière. Ainsi, les choses les plus familières deviennent, dès lors qu’elles sont scrutées d’un peu trop près, tout à fait méconnaissables ; et l’ordre du commun, ainsi observé, se voit sublimé.

— Antoine Camenen, texte de présentation de l’artiste, L’ahah, 2019.