Amos Gitaï — Architecte de la mémoire

Exposition

Film

Amos Gitaï
Architecte de la mémoire

Passé : 26 février → 6 juillet 2014

Le cinéaste israélien Amos Gitai a fait don en 2007 de ses archives à La Cinémathèque française. Classées, ces archives volumineuses retracent avec précision ses quarante années de création. Une de leurs spécificités est la richesse de la documentation mise au service de chaque projet, qu’il soit documentaire ou fiction. Mais aussi la difficulté paradoxale à identifier la place du je : plutôt un autoportrait en creux, déformé, tels les énigmatiques dessins qu’il réalise en convalescence, après le crash d’hélicoptère où il faillit mourir.

1973, la guerre de Kippour vient de commencer, comme un coup de tonnerre, et le jeune Gitai, étudiant en architecture à l’Université du Technion à Haïfa, est affecté à une unité médicale sur le plateau du Golan. Il sera gravement blessé dans une attaque des forces spéciales syriennes. Du trauma surgit une expression artistique spontanée : de retour à la vie civile, Gitai dessine puis monte les images Super 8 qu’il a filmées sur le front. C’est au cinéma qu’il va ensuite se consacrer, abandonnant définitivement l’architecture dès la fin des années 70. Mais il faudra attendre Kippour, Souvenirs de guerre (1997) et Kippour (2000), pour que Gitai vienne se confronter à ce choc intime. Dans ce dernier, un acteur joue son rôle. Ou plutôt un moi imaginaire qui ne porte plus son nom mais celui de son père (Weinraub). Avec des partis pris de réalisation anti-héroïques, Kippour transgresse les codes du film de guerre. « Fais confiance à ta propre expérience. Ce que tu as vécu sur le front ne peut engendrer que des scènes justes », lui avait soufflé son ami, le cinéaste américain Samuel Fuller, vétéran de la Seconde Guerre mondiale.

Amos Gitai est un cinéaste engagé dont les films interrogent sans cesse l’identité et les paradoxes d’Israël. « Jusqu’à quand durera ce cycle infernal ? De l’oppresseur et de l’opprimé. Jusqu’à quand cette folie ? » chante une voix féminine pendant le générique de Free Zone. Le conflit israélo-palestinien n’est jamais absent de son cinéma, sans en être l’horizon indépassable. Tout n’est pas conflit. Tout n’est pas réconciliation non plus.

Israël est palimpseste (House), puzzle (Désengagement), bordel (Terre promise), ou attachante mosaïque (Alila). Le pays n’est jamais filmé comme une entité homogène (État-Nation ou ennemi à abattre), mais plutôt comme un espace de recherche et de contradiction. Un espace stimulant et instable où les utopies sont en danger. Où l’amour n’est pas un socle mais pure énergie sexuelle sur fond de stérilité pathologique (Yom Yom, Devarim, Kadosh), caractéristique d’une société déracinée qui ne parvient pas à se souvenir des paroles simples du cultivateur palestinien de Journal de campagne (1982) :

« La sueur de mon père est mêlée à cette terre. Je sens l’odeur de mes origines. »

Architecte de formation, Gitai a gardé de cet enseignement une aptitude à faire d’un territoire l’état des lieux. Il est un topographe du sensible. Ses histoires prennent place dans des sites transitoires et authentiques, que le réalisateur repère lui-même : no man’s lands, bidonvilles, ruines, frontières. Emblématique en ce sens est Free Zone (2005), situé sur la brèche entre Israël et le monde arabe : film-voyage qui mène le spectateur de Jérusalem vers une zone de non-droit et de trafics, dans les limbes territoriaux du Moyen-Orient.

Matthieu Orléan, commissaire de l’exposition
Cinémathèque française Centre d’Art
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51, rue de Bercy

75012 Paris

T. 01.71.19.32.32

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Bercy

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Les lundis, du mercredi au samedi de midi à 19h
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