Daldo Marte — Crux Collector — Galerie Vallois — Exposition — Slash Paris

Encore 23 jours : 5 → 28 juin 2025

Daldo Marte (La Havane, 1982) revient à Paris avec une nouvelle exposition marquant un moment décisif dans sa trajectoire : un crux, compris comme point de rupture, de basculement ou d’inflexion.
Ce titre fait non seulement référence aux éléments symboliques qui traversent son œuvre, mais désigne aussi un instant clé où sa création passe de la marge au centre, de l’intime à l’institutionnel, de la rue au musée.

Depuis sa première exposition personnelle à Paris en 2023 jusqu’à aujourd’hui, quelque chose d’essentiel s’est transformé. Son travail, initialement forgé dans l’espace domestique et dans les rues de La Havane, a désormais intégré des institutions internationales de renom, telles que le Centre Pompidou, la Collection de l’Art Brut de Lausanne, et le American Folk Art Museum de New York. Marte, un artiste porteur d’une condition mentale particulière, a défié les logiques traditionnelles de l’art contemporain pour construire un univers qui lui est propre — intuitif, affranchi de toute contrainte formelle ou géographique.

Pour cette exposition, les figures de Marte — réalisées à partir de caoutchouc, carton, plastiques recyclés et, plus récemment, de bronze — exigent une observation plus attentive : des personnages hybrides entre insectes et lutins, un requin en bronze au tracé subtilement minimaliste, ou une araignée en caoutchouc, cohabitent avec des autoportraits camouflés, des créatures à la fois protectrices et exposées.

Bien que son œuvre ait évolué tant sur le plan matériel que conceptuel, elle conserve l’élan ludique qui l’a vue naître : la création comme jeu, défense et révélation. Marte travaille sans esquisses ni planification, comme si les formes existaient déjà en lui, attendant d’être assemblées par ses mains. Chaque pièce naît d’un geste intime répété avec des variations, créant un langage propre où cohabitent réalité, désir et fiction.

Marte se déguise en super-héros et marche sur la 5e Avenue de Miramar à La Havane. Il se dissimule sous des masques fabriqués par lui-même, non pas comme une stratégie d’évasion, mais comme une façon de s’incarner dans ses propres œuvres.

Dans cette exposition, sa figure devient encore plus centrale : il ne crée plus seulement des héros, il en est un. Non pas dans une posture grandiloquente, mais dans une authenticité radicale. Sa performance n’est pas un artifice, mais l’extension naturelle de son œuvre.

Le 10 juin, dans le cadre de l’exposition Art Brut. Dans l’intimité d’une collection. Donation Decharme au Centre Pompidou au Grand Palais (11 juin — 21 septembre 2025), Marte présentera la performance De la rue au musée, de la guerre à la paix, et deux des trois œuvres récemment acquises par le Centre Pompidou seront exposées, confirmant ce point de rupture symbolique et institutionnel.

Crux Collector ne nomme pas seulement cette exposition, il désigne un moment : le croisement entre anonymat et visibilité, entre jeu personnel et intérêt des collectionneurs, entre vulnérabilité et puissance. C’est aussi une affirmation : Marte est un artiste inclassable, dont l’œuvre allie candeur, complexité, répétition et désir d’habiter un monde alternatif doté de pouvoirs spéciaux.

Ce croisement est irréversible. L’intime est devenu public. L’invention marginale a désormais une voix dans les centres de l’art.

Et Daldo Marte, avec ses masques, ses animaux et ses armures, avance d’un pas assuré sur un chemin qu’il a lui-même tracé comme l’expression la plus authentique d’un art « autre ».

Laura Araño, Commissaire de l’exposition Conservatrice en chef du Musée National des Beaux-Arts de Cuba