Gosha Ostretsov — Heavy Patients
Exposition
Gosha Ostretsov
Heavy Patients
Passé : 4 septembre → 30 octobre 2010
A l’automne 2007, Gosha Ostretsov transformait la galerie Rabouan-Moussion en un Salon de beauté fortement imprégné de réminiscences de l’époque soviétique.
Trois ans plus tard, l’artiste moscovite revient en proposant une salle commune réservée aux heavy patients d’une hypothétique clinique. Le long chapitre de l’Histoire d’une génération née sous l’ère brejnévienne est refermé. Ce nouveau projet se veut délesté des souvenirs prégnants d’un passé peu ou prou conjuré. L’espace affranchi laisse aujourd’hui place à l’édification surprenante d’un dortoir des « cas lourds ». L’effroi du corps alité se substitue aux infortunes de la beauté dans le même émoi trouble que procure la visite à un convalescent en milieu hospitalier.
Trois lits curieusement médicalisés ont été construits directement sur le lieu par Ostretsov. Ils entretiennent sans doute aussi un lointain cousinage avec cet autre lit où Grégoire Samsa fut retrouvé un matin métamorphosé en un fameux insecte monstrueux, le dos aussi dur qu’une lourde carapace.
On découvre ces lits flanqués d’obscurs pots d’échappement et surplombés de potences soutenant d’inquiétantes nébuleuses organiques. Ils ont pris place comme des radeaux instables qui supportent le poids de trois corps étrangers : un rail de voie ferrée, une ancre marine et une prothèse mécanique qui ont été littéralement déposés, allongés, mis au lit, bordés entre traversin et oreiller. Ces trois éléments impotents, perclus de tuyaux ou parfois agités de mouvements ankylosés peuvent fonctionner aussi bien comme violemment hétérogènes à l’ensemble de l’installation de l’artiste ou, au contraire, peuvent apparaître comme origine de tout ce qui se présente et se représente par delà eux.
Dans la proximité directe de ces objets métalliques, on reconnaît la présence inexpugnable d’une enclume corrodée par la rouille. Cette masse d’acier, difficilement déplaçable, sur laquelle les métaux sont battus renvoie dans la psyché du plasticien à la figure du père symbolique mais plus directement encore à celle du père réel.
Il faut évoquer ici un élément important de la biographie de l’artiste qui a tenu à ce que celui-ci soit fortement signifié dans la proclamation lapidaire du « père-enclume ». Gosha Ostretsov a toujours su doser la gravité et l’humour, jusque dans l’accolement de ces deux mots. Un des dessins présentés sur les cimaises évoque cette figure du géniteur de l’artiste, patriarche maîtrisant souverainement les techniques du feu et de la forge et qui n’aurait jamais reconnu son fils naturel, lui refusant la fonction paternelle première, celle de donner un nom. Contre l’acier rouillé ou le plomb, il ne reste à Ostretsov qu’à capter les forces réellement agissantes, sans se laisser freiner. Son œuvre n’a plus besoin de proclamer son assentiment à elle-même. Car, entre le marteau et l’enclume, à cet endroit même où la vie se débat, on peut aplatir, heurter, corriger, écraser, ajuster, former, télescoper ou même retrouver une rectitude.
Toutefois, chaque heavy patient — toujours susceptible de guérison — sait bien que la frontière est mince entre la position du tireur couché et celle du gisant, entre l’imploration et la dette d’exister, le cocasse et l’angoisse, l’aliénation et la délivrance.
A l’extérieur, plaqués sur la devanture de la galerie, deux grands yeux peints surplombent et outrepassent l’activité de la rue. Entre ces globes oculaires, une enclume est enchaînée. Derrière le regard qui ne cille pas, voilà l’effroi qui pulse.
Horaires
Tous les jours sauf le dimanche de 10h à 19h30
L’artiste
-
Gosha Ostretsov