Jean-Baptiste Bernadet — Pollen

Exposition

Peinture

Jean-Baptiste Bernadet
Pollen

Passé : 15 avril → 20 mai 2023

Coloriste hors pair, peintre de la sensation pure, Jean-Baptiste Bernadet construit dans ses œuvres des cosmos atmosphériques où la nature, le sentiment et la psyché occupent les premiers rôles. Prolongeant à cette occasion l’une de ses séries de peintures les plus fameuses, trois nouvelles Fugues rythment l’espace de la galerie. Dans ces all-over abyssaux, le motif et l’image apparaissent, se cristallisent pour disparaître quasi simultanément, dans un jeu de recombinaisons infinies, offrant au spectateur une expérience rétinienne permanente d’une intensité vertigineuse. Oranges incandescents, pourpres ronds et francs, jaunes souffre, gris profonds ou verts pâles mélancoliques avancent dans le tableau, semblent le dominer en une géographie précise, puis se retirent au loin.

Dans leurs rapports chromatiques singuliers, les couleurs des Fugues de Jean-Baptiste Bernadet multiplient les points focaux presque à l’infini, pour créer un espace pictural sans hiérarchie, où tout entre en vibration et devient vaporeux, en suspension dans le temps. L’accident constitue le plus souvent le moment initial d’un processus de création fait de l’addition d’une multitude de touches de peinture, qui trouvera ensuite son point d’équilibre entre l’improvisation, l’anticipation et un aspect mécanique délibéré, détaché de toute gestuelle.

Si la peinture de Jean-Baptiste Bernadet est abstraite, elle ne l’est pas tout à fait. Elle occupe avec subtilité un entre-deux balisé par l’abstraction et la peinture de paysage. Car ses peintures se déchiffrent également comme des soleils couchants et leurs possibles reflets sur l’eau, des ciels irisés saisis à différents moments de la journée ou au fil des saisons, comme les impressionnistes ont pu les peindre.

Pour accompagner ses dernières Fugues, Jean-Baptiste Bernadet a choisi deux nouvelles sculptures en bronze de branches de citronniers, une série entamée en 2022. Pleines à la fois du souvenir sensoriel d’un paysage méditerranéen et de l’indicible du sentiment amoureux, elles appellent autant les vanités d’une nature morte qu’un détail d’une peinture d’histoire ou de paysage. Comme traversés par un vent imaginaire, le branchage, les feuilles et les fruits, aux teintes dorées et brunes, tissent un récit dans lequel le propre vécu de l’artiste s’entremêle aux récits antiques. Outre le choix significatif de l’agrume jaune vif au goût ambivalent, savoureux mais acide, ces sculptures évoquent tour à tour l’hédonisme, les pommes d’or du verger fabuleux des Hespérides, les offrandes de couronnes de laurier destinées aux dieux et poètes romains, ou encore l’hommage dédié à un être cher —  comme les titres le suggèrent (For the Boy with Golden Hair, For The Boy with Liquid Eyes). Volontairement bruts, non patinés, ces bronzes dorés estompent leur désir de véracité en laissant apparaître les soudures de leur assemblage et la succession des gestes qui les ont fait naître, alors que les variations des teintes d’oxydation de la matière et la polychromie discrète ajoutée par l’artiste se confondent entre elles au premier regard.

Dans ce mouvement de glissement permanent de l’abstraction vers le réalisme et vice versa, l’œuvre de Jean-Baptiste Bernadet tend vers un naturalisme abstrait conduit par l’élasticité du temps. Indissociable du principe de la série ou de la suite, chaque opus est partie intégrante d’un ensemble dynamique, se fait l’écho des autres, selon un art de la variation qui n’est pas sans rappeler la structure intrinsèque de la musique baroque. A l’instar du tissage de la “cathédrale proustienne”, de sa nature relevant de l’accumulation lente et du work in progress, chaque touche picturale érige un fragment substantiel du tableau, chaque pièce représente une fraction essentielle d’une œuvre en devenir.

Chez Jean-Baptiste Bernadet, le regard, à la fois fugitif et persistant, mélancolique et jubilatoire, rejoint le sentiment, ici envisagé comme une suite d’émotions, une marqueterie de réminiscences et d’introspections romantiques, de vertiges insufflés par la fuite du temps. Dans son rapport intime à la mémoire, son désir de dresser des portraits de la psyché via le paysage et sa volonté de transcendance du temps linéaire, l’œuvre de Jean-Baptiste Bernadet rejoint donc l’esprit proustien. Et si elle a finalement pour dessein la peinture elle-même, elle donne au regardeur une liberté immense, celle d’y projeter sa propre expérience.

Charles Barachon

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Saint-Sébastien – Froissart

Horaires

Du mardi au samedi de 11h à 19h

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L’artiste

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