Jean-Baptiste Huynh — Rémanence
Exposition
Jean-Baptiste Huynh
Rémanence
Passé : 4 octobre → 31 décembre 2012
Dans le cadre des expositions de photographies contemporaines, Jean-Baptiste Huynh, succédant à Patrick Faigenbaum, Jean-Luc Moulène, Candida Höfer, Christian Milovanoff et Mimmo Jodice, présente une série de photographies inédites réalisées à partir des collections du musée du Louvre.
Cet ensemble de tirages de très grand format, issus de prises de vues argentiques et encadrés sous diasec, offre une relecture quasi abstraite d’objets, sculptures et peintures minutieusement choisis dans différents départements du musée. Amulette, masque en feuilles d’or, bol, passoire, paysage, portrait… L’artiste a retenu les œuvres qui symbolisent pour lui la notion de « passage », celles à valeur de transmission et fonctionnant comme des réflecteurs de lumière.
C’est donc une traversée du Louvre dans son universalité que Jean-Baptiste Huynh a choisi de retranscrire au travers de cet inventaire sensible et personnel. Délaissant l’univers des chefs-d’œuvre notoires, il a préféré porter son regard sur des objets moins connus, proposant ainsi une approche plus intimiste.
L’artiste a choisi les œuvres pour leurs qualités visuelles, leur éclat et la lumière qui s’en dégage. Un détail, une singularité nourrissent à chaque fois la naissance de l’image : les altérations du temps, les nuances de l’oxydation, le velouté du marbre, la force d’une pupille… Chaque œuvre redimensionnée est ainsi mise en orbite, placée en lévitation, exaltée dans sa grandeur tel un objet cultuel imposant la méditation. Installant son trépied dans les salles du Louvre ou sur les rives du lac de Némi en Italie à la recherche d’aurores perdues, l’artiste instaure un face à face délicat avec son sujet et, par le biais de l’acte photographique, en fait naître une nouvelle vision. L’exposition au Louvre, tout comme cet ouvrage, propose des échos et des associations sensibles : un fragment de visage grec et un crépuscule, la lueur d’une bougie et la transparence d’un crâne en cristal, le regard énigmatique d’un portrait ancien et l’éclat d’un lingot iranien.
Jean-Baptiste Huynh a toujours aimé lier sa recherche photographique à l’idée du livre. Ainsi, les thématiques fondamentales de son travail se succèdent au fil des pages, dressant un portrait de la lumière à travers le reflet, la transparence, le regard et la relation à l’infini. Les miroirs, sur lesquels s’ouvre ce catalogue, se sont vus peu à peu recouverts d’aplats et de marbrures colorés, passant ainsi du statut d’objets de réflexion à celui d’objets de contemplation. Viennent ensuite les crépuscules aux multiples gammes chromatiques qui déclinent des tonalités inattendues, presque irréelles, et dévoilent l’essence même de la couleur. Les photographies du feu, à la fois symbole de purification et de destruction, se concentrent quant à elles sur la lumière, désormais sujet et objet des images. Les objets ou personnages noirs, photographiés sur un fond de la même couleur, semblent émerger de l’obscurité et révèlent la richesse tonale de ce qui est communément considéré comme une non-couleur. Ils surgissent après les images mystérieuses ou parcellaires d’objets du Louvre qui semblent sans âge, sans échelle particulière et qui, pour cette raison, deviennent des symboles de l’éternité. Enfin, la dernière série propose des portraits d’aveugles desquels semble émaner la lumière, alors même qu’ils en sont privés ; elle n’est donc pas seulement physique, elle est aussi affaire de présence.
Jean-Baptiste Huynh, dont le travail consiste en une recherche de l’épure et de la plénitude, propose donc un ensemble qui provoque un sentiment de contemplation et de retenue. Le Louvre prolonge une nouvelle fois l’expérience d’un dialogue inédit et intense entre les objets et un artiste qui, à travers l’acuité de son regard, interroge et rend hommage aux collections du musée.
[…] Mais (l’éternité) marque aussi de son sceau les objets d’art exposés au Louvre, Huynh s’inscrivant ainsi dans une tradition du Louvre où des artistes de toutes époques ses sont nourris des objets exposés afin d’inventer leurs propres œuvres. Ici, cependant, le photographe ne s’est pas enfermé dans une thématique particulière, univoque, mais a noué un dialogue intime, subjectif, avec une œuvre du passé — peinture ou objet. Ainsi, s’inspirant du tableau de Marie-Guillemine Benoist, Portrait d’une femme noire (musée du Louvre, 1800), Huynh s’est livré à un travail d’épure qui est la « marque » même de son œuvre. Nulle anecdote, aucun pittoresque, point de détails inutiles qui distrairaient le regard. Restent la nudité chaste et le visage sculptural de cette jeune femme dont la beauté fière se voit rehaussée par le bleu turquoise d’un ruban à l’élégant plissé. Émergeant sur un fond sombre, comme tous les portraits de Huynh, cette femme noire et digne, Somalienne rencontrée à Nairobi au Kenya, fait ainsi écho à tous les hommes, femmes et enfants des contrées lointaines auxquels l’artiste a rendu hommage dans Le regard à l’œuvre.
Mais plus encore, les objets choisis par Huynh semblent inventer des rencontres inattendues, nouer, par-delà les siècles et les civilisations, des liens intemporels. Hache (Pavillon des Sessions, 2011) rejoint, par la pureté et le radicalisme de sa forme, certaines œuvres du minimalisme américain, et Crâne en cristal (département des Objets d’art, 2012), le récent crâne diamanté de Damien Hirst. Amulette (département des Antiquités égyptiennes, 2010) pourrait être un « objet trouvé » surréaliste, ou l’œuvre d’un designer contemporain, tandis que les deux masques (Masque en or et Marc Aurèle, 2010) réinvestissent, sur le mode sculptural, la problématique du visage qui traverse l’ensemble du corpus. Quant à Bol bleu (département des Antiquités orientales, 2011), il fait obliquement écho, par sa rondeur tavelée et son chromatisme, à la série Miroirs ; et Plaque, dépôt du temple d’Inshushinak (département des Antiquités orientales, 2011), par un subtil jeu d’échanges et d’échos, évoque tout à la fois Masque en or, la série Feu (2009) et le plus éblouissant de la série Crépuscules, Crépuscule X (Cape Town, Afrique du Sud, 2008).
Ainsi l’œuvre tout entier noue-t-il finitude et éternité, lumières et ténèbres, nature et culture.[…]
Horaires
Tous les jours sauf le mardi de 9h à 18h
Nocturne les mercredis, les vendredis jusqu’à 21h30
Lundi, jeudi, samedi, dimanche : fermeture des salles à partir de 17h30
Tarifs
Plein tarif 22 €
D’octobre à mars : le premier dimanche de chaque mois, l’accès aux collections permanentes est gratuit pour tous.
Programme de ce lieu
L’artiste
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Jean Baptiste Huynh