Langage ment

Exposition

Installations, photographie

Langage ment

Passé : 5 novembre → 22 décembre 2011

« Tout ce que l’homme expose ou exprime est une note en marge d’un texte totalement effacé. Nous pouvons plus ou moins, d’après le sens de la note, déduire ce qui devait être le sens du texte ; mais il reste toujours un doute, et les sens possibles sont multiples. »

Bernardo Soares 1

Sur une photographie, des mots inscrits. L’étymologie nous aura pourtant avertis. Plus encore, de longtemps, l’artiste qui s’y connaît en termes de jeux souterrains d’une graphie. Une « inscription » désignerait ainsi, d’un seul tenant, l’action d’inscrire et le geste…de s’inscrire. S’en remettre au langage engage. Que l’on y porte attention ou pas, que l’on tâtonne ou balbutie, quelque chose de soi (de qui ?) s’écrit. Sans crier gare, nous voilà répercutant l’écho d’une homophonie. On pressent la faille. L’ironie d’une entaille. Retour sur l’image. Ou plutôt le fond sur lequel se détache le lettrage. Écran qui, on le sait, pour Duval, n’est jamais simple espace de cadrage. Se profile toujours, par contraste avec la verticale d’un élément architectural ou du délié d’un cordage, l’ordre d’un enregistrement fuyant. L’écho, muet, d’un tremblement.

Ainsi de ces mots littéralement flottant au vent, « paroles en l’air », narguant les feuilles, y trouvant l’odeur, rêvée, d’un camouflage, dans L’imperfection de la langue (2004) : Tu m’aimes encore… Tu m’aimes mais encore…Tu m’aimais encore…Télescopage des temps. Au creux d’un intranquille présent. D’une énonciation qui bafouille, produit (presque) malgré elle l’embrouille. Cherche la trouée, l’échappée. Dans la prolifération des langages jusqu’au braille (Instants ratés, 1997) ou le défilé des nuages. Déjà avec Traversée (1998), flottent ses mots découpés sur une bande filmique déployée telle une « diagonale du fou » dans un sérieux pavillon de gestion «Tout à coup sur le fond du ciel une brèche. »

Langage ment. Répétition et différence(s) d’un motif avec ces lettres en pastel sec apposées sur des tirages numériques. Des lettres censées partager la pérennité postulée de leur support, être témoins d’une alliance indéfectible avec ce qui compte pour réel…Or certaines, fondues au ciel, ont été effacées. Dans le gris des nuages tourmentés, une main s’est glissée. S’est substituée allègrement au « crayon de la nature » auquel Talbot croyait pouvoir identifier la photographie2. D’imperceptibles traces de doigts en font foi. Décryptage à opérer sur des termes défigurés. Invite d’une (re)composition à opérer. Histoire de savoir (ce) qui s’énonce. Quelle adresse s’y dessine… Renvoi au sol. Et son embrouillamini de lettres en granit. Qui nous attendaient, l’œil narquois, pesant de tout le poids des futures inscriptions à risquer et, peut-être, qui sait, à ouïr.

Louise Provencher

1 Bernardo Soares (hétéronyme de Fernando Pessoa), Le Livre de l’intranquillité, chapitre « autobiographie sans événements », fragment 23, trad. Françoise Laye, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 1999, p.55.

2 William Henry Fox Talbot, Pencil of Nature (1844).

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