Seconde Nature
Exhibition
Seconde Nature
Past: June 14 → July 1, 2012
La notion de « Seconde Nature » suggère que les choses qui nous sont devenues si familières nous semblent innées. Nos habitudes de penser, d’agir, de ressentir sont désormais si ancrées que nous ne remarquons même plus qu’elles ne sont pas aussi naturelles qu’elles pourraient le sembler. Elles sont, bien au contraire, tout à fait conditionnées et formatées par un environnement « culturel ». Théodore Adorno, à l’origine de ce concept — qui fait son apparition dans ses écrits sur « l’industrie de la culture » —, le décrit comme « l’espace social et matériel pré-construit dans lequel l’individu doit s’intégrer et se conformer ».
Le monde occidental est aujourd’hui régi par du mobilier suédois, des murs de béton préfabriqué, des centaines de chaînes de télévision et des semaines de 35 heures, toutes ces données qui sont aujourd’hui considérées comme tout à fait « naturelles »… Et, qui, plus important encore, s’imposent dans cet environnement déjà biaisé de conceptions idéologiques telles que race, genre, classe, identité sexuelle, etc — faisant de l’industrie culturelle un élément fondamental à explorer. Selon Adorno, l’être humain est aliéné par cet environnement fait de pierres, d’arbres, d’animaux, de tonnerre… d’éléments habités par les fantômes de ses ancêtres. Mais surtout, que cet environnement premier, primal, a largement été remplacé par un second : un monde construit qui est depuis, à son tour, assimilé comme étant de l’ordre du « naturel ».
Conséquence directe de ce remplacement, de cet amalgame : notre perception du monde naturel et originel est à jamais accessible depuis le filtre de l’objectif de cette « seconde nature ». Les frontières entre naturel et culturel ne sont désormais plus définies. Les artistes présentés abordent cette délimitation instable et nébuleuse comme un espace générateur de créativité. L’exposition rassemble une variété d’approches esthétiques de cette notion de « Seconde nature » : photographies, dessins, collages, sculptures et techniques mixtes. Des images paisibles d’espaces naturels en interaction avec des artefacts de l’homme, aux compositions soignées en opposition/en réponse à des problématiques profondément humaines en passant par une illustration du monde naturel, ou encore par, de complexes collages dépeignant l’omniprésence de la seconde nature elle-même… L’ensemble des artistes explore la complexité des questions qui résultent de la confrontation de ces deux mondes : nature et culture.
Géraud Soulhiol
Dans un élan de crayon parfaitement maîtrisé, Géraud Soulhiol croque les tensions entre nature et culture. Des pylônes électriques aux extrémités feuillues, des stades en décrépitude aux allures de métropoles modernes, des forêts d’arbres étranges luttant pour maintenir leur statut d’élément naturel… Le vocabulaire graphique de Géraud Soulhiol reprend de toute évidence l’imagerie enfantine et ses allégories fantastiques. Le doute plane sur qui, de la nature ou de l’homme prendra le dessus, la tension est perceptible. Bien que son travail semble ingénu, léger et envolé, les tracés délicats et la remarquable méticulosité du détail nécessitent une attention particulière, l’ensemble ne laisse que peu de doutes quant à la patience et la minutie qui ont animé son dessin. Un propos sensible mais affirmé aborde avec raffinement et dans une pleine conscience de son univers architectural/environnemental des questions telles que la trace laissée par l’homme sur son « décor de vie ». Issu des Beaux-Arts de Toulouse, Géraud Soulhiol a été exposé au Salon de Montrouge en 2011 et pour une première fois en solo avec Projective City en septembre de la même année. Il vit et travaille actuellement à Cahors, en France.
Benoît Pype
Avec « Géographies transitoires » Benoît Pype présente des plans de villes (Mexico, Tokyo, Paris) découpés à même les feuilles de plantes vertes. Le réseau urbain et les nervures de la feuille s’entremêlent créant ainsi des réseaux éphémères, ouvrant vers de nouveaux possibles. Dans « Comment éduquer les oiseaux » Benoît Pype invite les oiseaux à la découverte de l’architecture et de l’esthétique contemporaines et souligne la nécessité des oiseaux à s’adapter aux changements que nous avons apportés à leur environnement. Dans ses « micro-architectures », il modélise des objets et meubles pour éléments organiques, tels qu’un lit ou des béquilles pour brin d’herbe. Les œuvres de Benoît Pype, ici présentées, semblent vouloir délicatement chouchouter la nature comme par volonté de se repentir. Ses œuvres révèlent toute l’absurdité et le conditionnement de notre relation au monde naturel. Sa pratique, composée de gestes simples et vifs, saisit par son intelligence, son humour et sa poésie. Diplômé de l’ENSAD en 2010, Benoît Pype expose actuellement au Palais de Tokyo dans le cadre de la Triennale, au travers des Modules de la fondation Pierre Fabergé et Yves Saint-Laurent, ainsi qu’au MAC de Macaray au Venezuela.
Marc Gourmelon
Pour Marc Gourmelon, la photographie se conjugue nécessairement avec une approche traditionaliste du média : à l’argentique et en noir et blanc exclusivement. Cette appréhension marginale d’une pratique aujourd’hui majoritairement orientée vers le numérique, implique un process sur lequel il intervient de bout en bout et au cours duquel chaque étape est parfaitement maîtrisée. Fortement attaché au processus dans son ensemble, ce cheminement minutieux et attentif au sujet et à son tirage final l’ont amené à explorer des compositions atypiques. Très « frontales » ses images mettent un élément, sorte de reliquat d’une intervention humaine sur son environnement au cœur d’une nature vierge et sauvage. S’il recherche à atteindre le « degré zéro de la composition » en prenant le parti de traiter de la sorte ses sujets, ses tirages n’en invitent pas moins à une réflexion d’ordre mystique : l’intrusion de ces traces d’humanité sur la nature deviennent mystérieuses et évoquent une atmosphère post-apocalyptique, comme hors du temps. Marc Gourmelon a commencé la photographie à 16 ans, puis a poursuivi son apprentissage en suivant le cursus de l’ENSP d’Arles. Il vit, travaille et enseigne la photographie dans le sud de la France.
Nesta Mayo
Les dessins de Nesta Mayo font souvent intervenir des éléments animaliers : des filets de poisson, principalement de sole, constituent une série entière de son travail. Les dodos, les puces et les chats jouent également un rôle proéminent. Cependant, la représentation détaillée de la créature est peu importante et ce, même si la valeur métaphorique de certaines de ces créatures est indéniable, elle reste d’une importance secondaire. Pour elle, ces formes deviennent des terrains de jeux grâce auxquels elle pourra interroger et donner vie à un monde intérieur. Des phrases cryptiques, mystérieuses et denses, illisibles, des bribes de notes quotidiennes sont rassemblées autour de cette idée de l’animal devenu structure formelle, avec l’emphase mise sur l’activité naturelle de la création plutôt que sur le produit final en résultant. Le « mot » culturel lui permet de « récréer » le vivant « naturel ». Depuis son diplôme des Beaux-arts de Hunter College en 2005, Nesta Mayo a exposé dans plusieurs galeries à New York incluant Susan Randolph Fine Art, Nurture Art, BAC Gallery, Storefront et Kunsthalle Gallapagos, et sa série « Flounder » (sole) a été mise en exergue dans Cabinet magazine. Nesta Mayo vit et travaille à Brooklyn, New York.
Adaem (Aude Silvan)
Imprégnée de mysticisme l’œuvre d’Adaem se nourrit d’éléments naturels et d’une forte symbolique chamanique. Adaem (alias Aude Silvan) « tisse » dans sa pratique plastique des rapports singuliers avec la nature qu’elle utilise comme source de matière première. Ses travaux se construisent autour et grâce à ces rencontres formelles ou esthétiques, in-situ. Nourrie de voyages et d’échanges réguliers avec l’Afrique, sa démarche plastique est le lieu de fortes résonances astronomiques et mythologiques. Les éléments qui constituent l’essentiel de ses réalisations sont d’origine naturelle, trouvés brut et assemblés à même le lieu de leur trouvaille, souvent en forêt. En réalisant ce qu’elle appelle « des dépouilles d’animaux totems », elle invoque des croyances ancestrales, animiques, et glorifie la nature primale, ses œuvres portent des noms d’animaux et en évoquent la silhouette. Elle présente ici plusieurs installations de grand format tissées à partir de fragments de bois, de pierres et de peau. Titulaire d’une maîtrise d’Arts plastiques à Montpellier et diplômée en art thérapie, Adaem vit et travaille aujourd’hui entre Avignon, dans le sud de la France et la Casamance, une région équatoriale de l’Afrique de l’ouest.
Matthew Rose
Les collages de Matthew Rose rassemblent des images de toutes sortes pour former des tapisseries richement texturées et ouvertes aux possibles. Festival d’une imagerie empruntant aux classiques des années 50 et à la culture populaire des années 60, son travail reflète une obsession contemporaine et nostalgique, créant ainsi de complexes symboles issus de la culture elle-même. Le monde naturel est largement représenté à travers des extraits d’illustrations de magazines. Le spectateur est rapidement convié à se rendre compte de l’inéluctabilité et de l’ascendant pris par la culture sur la nature. Si le résultat semble être une cacophonie de formes symboliques, il est, au contraire, une série de mélodies entrelacées qui invitent à penser que toute évasion est impossible, et finalement peut-être fort peu judicieuse ou nécessaire. Originaire de New York, Matthew Rose vit et travaille à Paris depuis plus de 20 ans. Il a participé à plus de cinquante expositions en Europe et aux États-Unis. Matthew Rose est également connu pour ses activités en tant que conservateur et promoteur du projet A Book about Death une exposition de cartes postales d’art, initiée en 2009 à New York et qui a depuis voyagé dans le monde entier.
Cette exposition vous est proposée par Benjamin Evans, Audrey Mattio et Fabienne Saqué
Opening hours
Wednesday – Sunday
Other times by appointment
The artists
- Géraud Soulhiol
- Benoît Pype
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Nesta Mayo
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Matthew Rose
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Aude Silvan
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Marc Gourmelon