Société Réaliste — Empire, State, Building

Exposition

Photographie, sculpture, vidéo

Société Réaliste
Empire, State, Building

Passé : 1 mars → 8 mai 2011

Le titre de l’exposition, « Empire, State, Building », renvoie à trois perspectives de travail de Société Réaliste. « Empire, State, Building » évoque d’abord le nom d’un « bâtiment-temple-monument-œuvre », celui d’un célèbre gratte-ciel new-yorkais qui n’a cessé d’être depuis son achèvement en 1931, mythique et emblématique des États-Unis bien sûr, mais aussi une source d’inspiration pour l’art du XXe siècle (du King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schœdsack en 1933, jusqu’à Empire, le film muet d’Andy Warhol, réalisé en 1964).

En second lieu, cette exposition prend pour méthode la ponctuation, en tant qu’elle produit un ordre ou un désordre du discours. Enfin, le nom du mythe altéré par des désordres de signes devient autre, une grille décroissante des échelles de perception et de pouvoir, de l’empire au bâtiment, en passant par l’État. Trois perspectives pour une exposition présentant les travaux récents de Société Réaliste, articulés autour de deux œuvres pivots : The Fountainhead (2010) et Culte de l’Humanitée (2011).

The Fountainhead

The Fountainhead (2010), premier long-métrage de Société Réaliste, est une appropriation du film éponyme de King Vidor, réalisé en 1949 d’après un scénario de l’Américaine Ayn Rand, porte-parole d’un libéralisme radical au travers de la figure hautement individualiste d’un architecte interprété par Gary Cooper. La foi de Rand dans la prospérité économique du marché et son refus pour toute forme de collectivisme, en font la fondatrice de l’objectivisme philosophique et politique, ainsi qu’un précurseur du capitalisme contemporain. Ce film est une ode enthousiaste à son héros, l’architecte Howard Roark, moderniste par excellence, prométhéen, égoïste, phallocratique et chantre du capitalisme. Dans sa version du film, Société Réaliste a retiré tout son et, numériquement, tous les personnages du film pour ne conserver que 111 minutes de pur décor architectural, libéré de toute narration. Résultat : l’objectivisation plus qu’idéologique du film, mais aussi un jeu d’enchevêtrement des lieux qui constituent l’environnement politico-économique de chaque citoyen et donc, de chaque spectateur. Privé de récit, The Fountainhead révèle, tel un palimpseste filmique, les calques sous-jacents des relations entre capitalisme, architecture et modernisme.

Le film traite de New York comme de l’Olympe architecturale de la modernité, et comme de la ville en tant qu’utopie réalisée du monde de la finance, dans une variation presque infinie de médiums et de reflets. Le film original fut intégralement tourné en studio à Los Angeles. Sans acteur ni récit, il n’en subsiste plus que la représentation de l’échelle de perception et de pouvoir : les croquis, photographies ou maquettes de bâtiments, les vues peintes du Léviathan métropolitain, cet état fantasmé urbis et orbis, le décorum des intérieurs et la mappemonde des extérieurs d’un empire global et flouté, cet empire dont la capitale est le capital.

Ainsi que le souligne Giovanna Zapperi dans le texte qu’elle a écrit pour le catalogue de l’exposition : « Le but de cette opération, […] est d’appliquer un principe de déconstruction productive susceptible de faire émerger, dans toute sa complexité, les rapports profonds entre l’espace architectural et l’idéologie du capitalisme, entre la volonté prométhéenne de l’architecte et la doctrine moderniste. Et à vrai dire les espaces vidés de The Fountainhead montrent à quel point l’architecture s’impose avec une force qui dépasse le pouvoir d’action des différents personnages. La séquence finale du film par exemple, dans laquelle on voit Howard Roark triomphant à la sommité de son gratte-ciel, suggère une correspondance entre le corps de l’architecte et le bâtiment, comme si la force de l’un dépendait de l’autre, comme si le premier était le prolongement du second. »

Culte de l’Humanitée

Culte de l’Humanitée (2011), est la nouvelle collection de couleurs du bureau de tendances politiques, Transitioners, créé par Société Réaliste en 2006. Après s’être inspiré de la Révolution française (collection Bastille Days, 2007), des utopistes présocialistes (collection Le Producteur, 2008) et de la révolution européenne de 1848 (collection London View, 2009), Transitioners propose ses nouvelles tendances, inspirées par l’étrange transformation du positivisme scientifique et politique d’Auguste Comte, en véritable religion, notamment à partir de la publication de son Catéchisme positiviste (1852). Sous le nom de « culte positiviste », Comte tenta dans les dix dernières années de sa vie de syncrétiser l’ensemble de ses théories en une seule : l’Église de l’Humanité, dédiée à son amante Clotilde de Vaux, décédée en 1846. Ces grandes articulations se retrouvent jusque dans les plans de l’église imaginée par Auguste Comte, qui seront récupérés, quelques années après sa mort, par de jeunes disciples originaires de Rio de Janeiro, fondateurs de la Société Positiviste du Brésil : Raimundo Teixeira Mendes, Miguel Lemos et Benjamin Constant Botelho de Magalhães. Les positivistes brésiliens contribuèrent très activement au renversement de l’empereur du Brésil et à la proclamation de la République le 15 novembre 1889. Et l’on doit à Raimundo Teixeira Mendes, futur Apôtre de l’Humanité, ou grand-prêtre du culte positiviste, le dessin du nouveau drapeau du Brésil républicain et moderne. Tout en conservant les couleurs impériales (jaune « Habsbourg » et vert « Bragance »), il plaça sur le drapeau la devise du culte positiviste, « Ordre et Progrès » (pour « L’amour pour principe, l’ordre pour base et le progrès pour but »), et comme ornement, le ciel étoilé au dessus de Rio de Janeiro, lors de la nuit du 14 au 15 novembre 1889, nuit de la proclamation de la république, nuit mythologique et fondatrice du règne de la rationalité politique au Brésil. C’est justement ce ciel étoilé d’une nuit fondatrice qui a été choisi par Société Réaliste comme point de départ de sa nouvelle collection Transitioners.

Culte de l’Humanitée prend la forme d’une carte du ciel nocturne au-dessus de Paris. L’abscisse et l’ordonnée servant à la localisation des éléments de cette carte reposent sur le calendrier positiviste de 13 mois. Cette carte calendaire est à la fois outil et image. Elle est divisée en 2400 nuances de couleurs, alternant les blancs pour représenter les étoiles (le visible, le nommé, le su, le « ça-voir »), et les noirs, définis par leur positions intermédiaires entre les blancs (figurant l’invisible, l’innommable, l’insu, le « non-ça-voir »).

Quelques gris limbiques sont là pour assurer la transition de la lumière à l’obscurité. Chaque nuance est caractérisée par sa position calendaire et astrale. Pour les artistes, Culte de l’Humanitée se veut un astrolabe rationaliste d’orientation dans le ciel quasi monochromatique du grand soir. Et c’est un grand soir très particulier que représente cette installation, celui du 5 au 6 octobre 1789 lorsque les femmes de Paris, menées par les prostituées du Palais-Royal et les maraîchères des Halles, marchèrent sur l’état, en l’occurrence le château royal de Versailles pour en ramener, prisonniers, le roi et la reine aux Tuileries. Les parisiennes sont le premier acteur politique moderne à s’attaquer à l’absolutisme monarchique au nom de la légitimité du peuple, à faire acte collectif de profanation du pouvoir.

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1, place de la Concorde

75008 Paris

T. 01 47 03 12 50

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Concorde

Horaires

Tous les jours sauf le lundi de 11h à 19h
Nocturne les mardis jusqu’à 21h

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Plein tarif 11,20 € — Tarif réduit 8,70 €

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Les artistes

  • Ferenc Gróf & Jean Baptiste Naudy