Valentin Guillon — Hors-jeu
Exposition
Valentin Guillon
Hors-jeu
Passé : 3 février → 14 avril 2024
Valentin Guillon aux Eglises, Chelles — En images Au centre d'art Les Eglises de Chelles, Valentin Guillon détourne les courbes du bâtiment historique pour y loger un terrain de jeu qui réinvente les codes du sport et reflète le regard obsessionnel de passionnés tendant à insérer au sein de chaque espace la virtualité de leur pratique. Découvrez son exposition en images.Après deux propositions en regard et en dialogue direct avec les Eglises, le troisième volet de cette saison s’intitule « Hors-jeu ». Pour son exposition personnelle, Valentin Guillon décloisonne complètement le cadre du centre d’art, à la fois en détournant l’usage et en débordant la fonction de ce lieu. Si au premier regard on serait tenté de reconnaître un terrain de football, on y retrouve tous les attributs avec une aire de jeu dessinée et tracée, les buts, les ballons et même un tableau pour la stratégie. Mais pour comprendre ce que l’on voit vraiment, il faut commencer par s’intéresser au parcours de l’artiste. En effet depuis très jeune, Valentin Guillon s’enivre de tours de piste, forgeant en lui une expérience faite de vitesse, d’adrénaline, d’endorphine façonnant un certain rapport au monde, propre à la pratique immersive du sport.
L’artiste comme le sportif s’entraînent et pratiquent inlassablement, répétant les mêmes gestes dans une recherche d’expériences qui peut parfois être proche de la quête. Les similitudes se confondent jusque dans les mots. La performance, artistique comme sportive, même si elle ne revêt pas tout à fait le même sens, a ceci de commun d’engager le corps et de consacrer un temps en particulier comme quelque chose qui sort de l’ordinaire. Ce rapprochement est comme cristallisé dans le travail de Valentin. Il joue avec les codes, s’engageant dans des digressions avec les formes. Ce truchement d’une pratique à l’autre n’est pas sans conséquence et a pour incidence directe d’impacter la notion de règle du jeu. A l’invention du football ou de rugby, les règles du jeu n’étaient pas bien définies. Il n’y avait par exemple pas d’en-but, et on pouvait enfoncer les lignes de l’adversaire sans limite ou presque, si ce n’est la topographie du terrain. Jouer avec la règle est presque l’origine même du jeu.
Pour l’artiste cela consiste à flirter avec les limites du signe, de ce qui fait sens. Il opère par des glissements, des superpositions, des inversions et surtout la constitution d’un nouveau répertoire créant une nouvelle langue visuelle à partir d’un langage pré-existant. Les signes glissent d’un registre à l’autre, créant un objet souvent proche de l’équivoque, les formes une fois « déplacées » par son geste, subissent une perte partielle de sens. Elles se mettent à vibrer dans une nouvelle signification et une nouvelle signalétique, générant ce que Roland Barthes a appelé le sens tremblé.
Aux Eglises, une dimension supplémentaire persiste. Le centre d’art impose ses codes et ses usages, étant lui-même un objet plusieurs fois hybridé dans sa fonction. Si le lieu représente un symbole fort, souvent complexe à dépasser, il n’en reste pas moins une matière spécifique avec laquelle les artistes ouvrent le dialogue. Valentin fait le choix radical de bousculer le cadre de l’expérience, en nous invitant à une partie de futsal. La sensation entre le ressenti de l’architecture historique et ce terrain de sport est d’emblée confondante, voire troublante. Plus on s’approche et moins les choses semblent être ce qu’elles paraissent. Les buts sont à l’état de maquette, les balles sont des cordes et même le dessin au sol s’apparente à un circuit avec des arcs de cercles entrelacés. Mais qu’en est-il vraiment ? Sommes-nous invités à pénétrer dans l’aire de jeu ? Peut-on activer les éléments ? Sont-ils à disposition pour jouer ? Et surtout à quel jeu sommes-nous invités à jouer ? Il n’y a pas forcément de réponse, ni de consigne et encore moins de règle ou d’arbitre. Néanmoins ces questions ne représentent que le début d’une interrogation plus large, celle de notre rapport au corps dans le sport et dans la société de manière générale. Car les enjeux de porosité que problématise Valentin Guillon dépassent un rapprochement évident des formes du sport avec celles de l’art. Il produit une matrice de formes, générant du code et du signe à volonté selon un protocole qui lui est propre. Ainsi en déclinant la notion de simulacre, l’artiste nous confronte par prolongement aux rapports codifiés de l’affrontement ou de la guerre contenus dans les enjeux du sport, notamment à l’échelle d’un événement mondial reposant sur la compétition entre nations, comme les Jeux olympiques. C’est pourquoi pour jouer aux Eglises, il faut interpréter l’invitation de l’artiste comme une invitation à la liberté, notamment en renonçant à un rapport de domination sur l’autre. Ce renoncement est un appel à habiter le monde autrement : poétiquement.
Renaud Codron, commissaire de l’exposition
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Vernissage Vendredi 2 février 18:30 → 20:30
Horaires
Samedi et dimanche de 15h à 18h
Sur rendez-vous du lundi au vendredi
Tarifs
Accès libre
Programme de ce lieu
L’artiste
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Valentin Guillon