Charles-Arthur Feuvrier
Dans un grand écart entre orient et occident, loisirs créatifs et imagerie digitale, Charles-Arthur Feuvrier exploite la culture internet mainstream comme un langage vernaculaire universel. Il manipule les discours qui la traversent dans des installations qui naviguent entre formes grotesques et interfaces ludiques, et déploie des matériaux précaires (carton, ruban adhésif) dans des jeux d’échelles inhabituels. Mauricien et Français, il interroge la nature des cultures transnationales et les imaginaires collectifs qui s’y attachent, à partir notamment de l’océan indien. En ligne, il s’intéresse à la transformation du régime de l’information à l’aune des cultures complotistes, des fake news et des techniques digitales de manipulation de l’authenticité tels que les deep fake. Il se questionne sur notre rapport au réel par le prisme de la circulation des images et des récits de vérité alternatifs, et emprunte formellement dans ses vidéos aux chaînes d’info-divertissement, aux vidéos Youtube et au langage « officiel » des multinationales.
Qu’est-ce qui t’intéresse dans l’utilisation de vidéos virales dans tes installations ?
La vidéo est devenue notre première manière de consommer du contenu (pour citer Zuckerberg). Ces vidéos virales touchent un public large, ont une audience énorme en ligne et donc un impact certain dans la vie réelle. Leurs intérêts se trouvent dans leur sous-texte idéologique ou politique. D’où sont-elles issues et qu’est-ce que ça révèle des systèmes et des structures de notre imaginaire collectif. Les extraire de leur contexte initial (les réseaux sociaux) est une manière d’exploiter un contenu destiné à la consommation rapide comme matériel artistique, de les isoler pour mieux les interroger. Un moyen de s’inscrire dans le présent en faisant référence à l’industrie du divertissement mainstream.
Comment intègres-tu la création in situ dans la conception et la réalisation de ton œuvre ?
La création in situ me permet d’adapter mon travail à mes conditions de vie et de productions. Ce type de pièces en ruban adhésif sont des pièces que je n’aurais jamais pu faire sans le contexte de l’exposition et c’est cela qui m’intéresse. Je n’ai pas les moyens d’avoir un atelier assez grand et un espace de stockage adéquat pour fabriquer des installations pérennes à grande échelle, donc j’utilise l’espace d’exposition comme un atelier. Ce qui était d’abord une contrainte m’a finalement permis d’adapter les pièces à leurs espaces de monstration et à l’architecture pour créer un vrai dialogue formel entre la sculpture et son environnement.
Quel rôle accordes-tu aux interfaces digitales (bornes tactiles, écrans) dans ton travail ?
Les écrans présents dans les installations sont toujours des surfaces qui prétendent emmener des clés de compréhension sans forcément le faire explicitement. Il y a cette intention de faire dialoguer l’image numérique et l’espace physique avec un contraste très fort entre les écrans lumineux et le ruban adhésif en papier. L’espace numérique n’est pas flottant ou virtuel, il est bel et bien physique et matériel. Je n’exploite pas les formes industrielles que prend l’espace digital dans le monde réel, mais j’essaie de jouer avec cette notion en recréant des corps factices à ces écrans rétro éclairé.
La Ferme du Buisson, texte et entretien publiés à l’occasion de l’exposition Les Sillons
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