Jocelyn Villemont
Halteres Natives
Comment expliquer l’absence relative des cultural studies dans les pratiques esthétiques et théoriques hexagonales ? C’est peut-être parce qu’il y a en France, depuis l’après-guerre, une méfiance idéologique envers les arts et traditions populaires que de jeunes artistes comme Jocelyn Villemont préfèrent puiser leur inspiration dans des sources anglo-saxonnes. Qu’il s’agisse du rock’n’roll, du tuning, des pratiques sportives, folk ou autochtones, le vocabulaire formel qu’emploie Jocelyn Villemont provient d’une conception élargie de la culture et des rapports d’échange qu’elle suscite. Né en France, installé depuis quelque temps à Glasgow, Jocelyn Villemont appartient à une génération qui revisite les imbrications historiques des héritages pop et minimalistes. En mêlant ces influences dans son travail, il dévoile la proximité stratégique de ces deux néo-avants-gardes — abandon des notions d’originalité et d’authenticité, intégration de techniques industrielles et de thématiques extra-artistiques — et réévalue leur pertinence en les confrontant à certains champs de la culture contemporaine. Ses installations contredisent les présupposés historiques qui confondent minimalisme et rationnalisme. Le retour du refoulé post-moderne intervient ici sous la forme d’une réapparition du récit dans son sens le plus large — à la fois légendaire, magique, ludique et performatif — et d’une conception vitaliste de la nature ; non sans évoquer une certaine parenté avec la tendance psychédélique minimaliste issue de la côte ouest des Etats-Unis. A cet égards, une œuvre comme Pacific Palissade (un paravent constitué de planches de surf en contreplaqué), suggère aussi bien les premières sculptures réalisées par Anne Truitt en 1961 que les fameuses Planks de John McCracken, laissées ici dans un état primitif non-fini. Un minimalisme bariolé et abâtardi, donc, par l’intrusion de combinaisons étrangères au champ traditionnel des Beaux-Arts. Jocelyn Villemont, qui a assimilé la leçon pop, ne s’intéresse pas, cependant, à l’imagerie générique de masse telle qu’elle est abordée dans les années 1960 : ni boîtes de soupe, ni starlettes de cinéma. La trame de son œuvre, au contraire, s’approvisionne dans les registres plus spécifiques des cultures et des sous-cultures populaires. Avec Sunburst for Chief Joseph (2009), par exemple, il crée un autel composé d’un disque de bois au poli minimal, d’un tapis et de quelques branchages, évoquant ainsi l’artisanat et les pratiques cultuelles des natives amérindiens. Pour La Force de la Nature (2009), l’artiste, au cours d’une performance, débite des troncs d’arbre en tranches afin de confectionner des haltères frustes. Entre bûcheronnage et bodybuilding se dessine, en somme, une gymnastique du Do It Yourself. Salles de sport, studios de répét, autels folkloriques… Ses installations fonctionnent généralement comme des espace scéniques potentiels (faut-il rappeler que la théâtralité, pour Michael Fried, est une caractéristique de l’art minimal ?). Parfois proches du cartoon (Trickster Wall, 2009), ces décors sont des lieux de production de pratiques vernaculaires (bricolage, appropriations, détournements) plutôt que de signes, relevant, selon l’expression de Michel de Certeau, d’un certain « braconnage culturel ».
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Jocelyn Villemont (1986) est un artiste français basé à Glasgow. Il a obtenu un Master of Fine Arts à l’école d’art de Glasgow en 2011 après avoir été diplomé à Bourges. Il a récemment participé au 56ème Salon de Montrouge.
Jocelyn Villemont
Contemporain
Dessin, installations, sculpture, son - musique, techniques mixtes
Artiste français né en 1986.
- Localisation
- Paris, France et Glasgow, UK