Mathilde Lavenne
« Qui n’est pas fasciné par les kaléidoscopes ? Une simple mise en abîme spéculaire, quelques coquillages, bris de verre et tissus colorés jouant une musique flûtée et abrasive dans un cylindre rotatif, selon un ordre incessamment détruit puis recomposé, trouvant patiemment un rythme propre — paradoxal continuum de saccades spatio-temporelles. Walter Benjamin en fit même un outil dialectique.
Il y a de cette psychédélie dans le travail de Mathilde Lavenne : plongée dans le trait-mescaline de Michaux, approche poétique d’un univers chiffonné (Jean-Pierre Luminet). Et un goût pour les outils et les stations d’observation. Afin de retenir l’impalpable, puisque observer (comme regarder) signifie littéralement examiner et maintenir ? Comprendre en un même mouvement l’univers et notre place en son sein. Avec la boucle et le miroir en motifs structurant, à l’instar de l’épanadiplose cinématographique de Focus on infinity (2015), du jeu d’interactions de l’installation Mirror Lake Station (2014) et, plus généralement, de tout voyage, toute quête initiatique. Kaléidoscope existentiel.
Dans ce parallèle entre plongée en soi et dans la substance du monde, il s’agit d’être un peu visionnaire. Faire entendre dans ses dessins et ses images le tremblement d’une goutte d’eau dans le fracas de la fonte des glaces (Focus on infinity), par exemple : l’artiste y parvient, alternant constamment panoramas amples ou surplombants et zooms à l’intérieur même de la matière, qu’elle soit visuelle ou sonore, par le truchement, dans les développements récents de sa pratique, de technologies spécifiques. Par celui du dessin encore, parfois : la série 40°49’38.3 N 14°08’24.6 E (2013) retranscrit l’impression de vertige que l’on imagine ressentir devant les étranges installations scientifiques disséminées sur les flancs désertiques du volcan La Solfatare à Pouzzoles, près de Naples. Des inclinomètres (ressemblant à des panneaux solaires), des magnétomètres, sismomètres, altimètres, etc. (évoquant des antennes ou des satellites). Une imagerie SF dans ce décor proprement sublime : parce qu’effroyable, entièrement tourné vers le cosmos et ses forces obscures. »
Marie Cantos
Mathilde Lavenne
Contemporain
Film, installations, nouveaux médias
Artiste née en France.
- Site Internet
- www.mathildelavenne.com
- Thèmes
- Archéologie, cinéma expérimental, cosmos, nature, paysage, science, science fiction