Mélina Ghorafi
Chercheuse, performeuse, autrice de textes, de chansons et de collections, Mélina Ghorafi s’intéresse à l’esthétisation de la violence faite aux femmes et aux clichés sexistes des cultures populaires occidentales. Débuté en 2018, à la fin de ses études supérieures, son projet MUSOGYNIE ménage un espace de conservation, d’étude et de mise de circulation pour les artefacts, les histoires et les anecdotes de la culture du viol et de la misogynie. MUSOGYNIE se conçoit comme une réponse à l’omniprésence d’imaginaires de violence à l’encontre des femmes. Le projet de l’artiste questionne une culture dominante de clichés sexistes, violents et dégradants. Elle s’intéresse tout particulièrement à la représentation de l’archétype féminin et l’esthétisation perpétuelle de la misogynie, rendant cette dernière plus acceptable aux yeux de la société.
Dans ta collection d’objets MUSOGYNIE, tu récupères et tu exposes des objets d’usage, porteurs de violences sexistes. Est-ce que le processus de te les réapproprier a pour toi une signification particulière ?
L’appropriation de ces objets qui ne m’appartiennent pas, qui ont été faits en dehors de moi et bien souvent à mon détriment est au cœur du processus et de l’intérêt que je trouve à ce geste de collecter. Le caractère usuel d’une majorité des artefacts renforce ce potentiel également, puisque ce n’est pas que dans la sphère purement « artistique »» que ces objets habitent : beaucoup d’entre eux sont habituellement disposés dans ma chambre ou dans mes placards de cuisine. Je porte les bagues et colliers que je collectionne. Je bois mon thé dans une tasse thermosensible avec une image de strip-teaseuse. MUSOGYNIE dépasse une collection circoncise.
Quelle place occupe la recherche dans ta pratique artistique, notamment dans le projet Les Anges de rebut ?
Je ne me définis presque jamais comme artiste-chercheuse, car ce me semble un pléonasme, du moins au sein de mon travail. J’imagine difficilement être artiste sans recherche, s’entendant dans une acceptation large et pas toujours académique. Pour Les Anges de rebut, je fais mes recherches à pieds en me baladant dans les rues, suivant un vague itinéraire défini au préalable que je respecte rarement, tant sur mon chemin se révèlent des statues que je n’avais pas anticipé trouver. Ces rencontres impromptues me rappellent d’ailleurs l’omniprésence de ces types de statues de femmes allégoriques.
Tu développes aussi une pratique du chant. Peux-tu nous en parler ?
Il s’agit sûrement de la partie de mon travail la plus récente à ce jour. J’écris depuis des années des chansons, mais les ai toujours faites chanter par autrui lors de mes performances car persuadée de ne pas pouvoir assumer la vulnérabilité que le chant demande, d’autant plus quand ce sont mes propres chansons. J’essaye à présent de maîtriser ce nouvel outil qu’est ma voix pour m’impliquer le plus possible dans mes propres textes et les émotions qu’ils transmettent.
La Ferme du Buisson, texte et entretien publiés à l’occasion de l’exposition Les Sillons
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