Omar Castillo Alfaro
Omar Castillo a grandi dans un territoire central de Méso-Amérique non loin des anciennes villes de Teotihuacan et de Tula — aujourd’hui la province d’Hildalgo au Mexique. S’y côtoient les vestiges de l’empire Toltec, le baroque de l’architecture coloniale espagnole et des problématiques sociétales liées à l’industrialisation de la région, aux trafics des Narcos et à la fuite des populations vers les États-Unis. Formé tout d’abord à l’ingénierie métallurgique et chimique, il travaille dans la plus grande exploitation minière du Mexique avant d’entreprendre des études artistiques qui le mènent à Medellín, en Colombie, puis en France. Ce processus de migration géographique, artistique et politique habite son œuvre et participe de l’identité « sauvage » qu’il réclame. Dépositaire d’un savoir-faire traditionnel, il revisite des techniques artisanales ancestrales pour questionner la persistance des traumas liés au continuum colonial. Il emprunte autant aux écoles de peintres mayas qu’aux télénovelas ou à la poésie populaire pour nourrir une pratique de sculpture et d’installation à travers laquelle le passé et l’histoire tiennent le présent en question.
Tu travailles avec des matériaux aussi variés que le métal, la paraffine, la terre, les pigments… Est-ce que tu accordes une signification particulière au choix des matières ?
J’ai étudié la chimie métallurgique et me suis spécialisé dans les matériaux et les minéraux. Je me considère comme un artiste-chercheur, et lorsque je développe un nouveau projet, je génère mon « laboratoire chimique de matériaux »». Je m’intéresse aux pratiques ancestrales qui ont été modifiées depuis l’arrivée de la modernité au Mexique, et mes recherches m’obligent à chercher des matériaux spécifiques pour établir un contraste. Ce contraste m’aide à générer des traces, à établir un dialogue avec l’histoire, à passer de la rigidité du métal à la fragilité de la paraffine, ou de l’opacité de la terre à la brillance de l’or ou de l’argent, ce qui reflète aussi les contrastes de la société.
Quel est le rôle de la lumière rouge dans le dispositif de monstration de tes pièces ?
Ce n’est pas seulement une couleur, c’est un monde et un geste qui pourrait nous tuer et en même temps nous faire exister dans un autre cosmos ; c’est penser que nous pourrions être d’autres corps et aussi faire place à la création sous tous ses aspects. J’ai eu une enfance un peu particulière ; mes week-ends se passaient avec ma famille à Teotihuacan, un site archéologique à quelques kilomètres de mon lieu de naissance. Teotihuacan était connue pour moi comme la ville rouge ; c’était l’une des premières grandes métropoles du monde antique. J’ai vu différents tons de rouge ; les pierres étaient aussi rouges, rouge volcan.
Pourrais-tu nous parler de l’utilisation de composés chimiques toxiques, notamment dans les pigments que tu emploies dans une de tes pièces ?
Ce rouge énigmatique est un sulfure à forte teneur en mercure que l’on trouve près de gisements volcaniques. Ce pigment a été utilisé en Méso-Amérique pour un usage pictural, rituel et funéraire. On croyait que le fait de recouvrir les tombes de cinabre permettait de préserver les corps avant qu’ils n’atteignent le Xibalbá, le monde souterrain, et d’éviter les vols-; autrement dit, la personne qui ouvrait la tombe trouvait la poussière, l’inhalait, puis s’enivrait et mourait. J’ai été fasciné par ce rouge après avoir vu comment la Reine rouge de Palenque a été exhumée en 1994, couverte de ce pigment des morts, et maintenant je l’utilise comme une métaphore.
La Ferme du Buisson, texte et entretien publiés à l’occasion de l’exposition Les Sillons
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