Denis Savary
Exposition
Denis Savary
Passé : 23 janvier → 5 mars 2016
La galerie Xippas est heureuse de présenter la troisième exposition personnelle de Denis Savary, artiste incontournable de la scène artistique suisse. Parallèlement, du 22 janvier au 3 avril 2016, le Centre culturel suisse lui consacre une exposition intitulée Jour Blanc.
Entretien entre Denis Savary et Valérie Da Costa
- Vous exposez au même moment au Centre culturel suisse à Paris et à la galerie Xippas. Ces deux expositions ont-elles des éléments communs ?
Au CCS, je présente un ensemble de vingt matelas qui reprend les vides entre les colonnes d’un temple grec en Italie, ainsi qu’une maquette de cuisine éclatée dont les éléments recouverts de tissus sont suspendus à une grille par des chaînettes. Ici à la galerie, je montre le relief d’une maquette articulée de maison paratonnerre qui est déclinée en séquences sur le mur. Toutes ces pièces témoignent bien sûr d’un goût pour l’architecture, mais plus généralement ce qui m’anime en ce moment, c’est la question de l’habitat et ce qui l’entoure, disons le paysage et la comédie. Une pièce comme Pool résume assez bien cela. Il s’agit d’une piscine posée à la verticale dont la forme est inspirée du visage de Karl Valentin, célèbre chansonnier allemand, mais c’est également les contours du village suisse dans lequel j’ai grandi et où j’ai tourné la majorité de mes films.
- Plusieurs de vos réalisations font référence à des artistes (Corot, Kokoschka, Ensor, Vallotton…) qui ne sont pas les mieux « aimés » et connus des artistes contemporains. La plupart des artistes ont tendance à vouloir se débarrasser de l’histoire de l’art, pas vous…
Tout art se nourrit de ce qui le précède. Qu’un artiste s’intéresse à l’histoire de l’art ne me semble pas complètement insensé. Il en va de même pour un marchand de salade. En ce qui me concerne, je m’intéresse moins aux artistes qu’à ce qu’ils produisent. Je suis intéressé par la circulation des formes. Qu’un mobile de Calder serve de base à la construction d’un spectacle de cirque m’intéressera au même titre qu’une rétrospective de l’artiste dans un grand musée.
- Votre travail présente un véritable intérêt pour l’art vernaculaire (la maison de poupée, l’art de plier des serviettes de table…).
Oui, même si je ne saurais plus bien à quoi opposer ce terme aujourd’hui. J’ai grandi dans cette culture mondialisée où tout cohabite dans l’iconographie. Je suis en même temps très marqué par la position que les surréalistes défendaient dans les années 30 qui consistait à mettre ensemble, sur le même plan, des productions de l’imagination que ce soit les arts premiers, l’art des fous, des enfants ou l’art des artistes. Il n’y avait pas de hiérarchie. Ce qui comptait c’était comment l’imagination parvenait à s’émanciper de la servilité à l’égard du réel et introduire de la métamorphose dans le monde.
- Les titres de vos œuvres sont très précis, certains sont même très étranges (Otis, Oz, Qilakitsoq…). Vous ne privilégiez pas le « sans titre » au profit d’une véritable fabrique du titre…
Les titres sont généralement issus des contextes dans lesquels ont été produites les pièces. Ils renvoient le plus souvent à des personnages ou à des lieux. À l’instar des pièces, l’important est qu’ils renvoient à une pluralité de sens. Otis par exemple évoque le prénom du compositeur de Sitting On The Top Of The Bay, mais c’est aussi une célèbre marque d’ascenseur. D’une certaine façon toute ma pratique se résume à cela, appareiller des éléments dissemblables prélevés dans le réel, les hybrider, les greffer les uns aux autres.
- Poupées, marionnettes (Alma, Fernando, Marie-Louise, Öyvind…) ponctuent depuis plusieurs années votre travail. Vous préparez actuellement un spectacle (Lagune) qu’on pourra voir les 22 et 23 mars au CCS, spectacle dans lequel il y aura justement une grande marionnette et des danseurs. Qu’implique dans votre travail ce passage du côté de l’espace scénique ?
Lagune est une commande pour le centenaire du mouvement Dada. La première en France aura lieu au CCS de Paris en mars. L’espace scénique ne m’est pas inconnu car je l’ai déjà expérimenté lorsque j’avais une compagnie de danse. Lagune s’articule autour de la marionnette le Soldat de la garde que Sophie Taeuber-Arp a imaginée et réalisée en 1918 pour la représentation du Roi Cerf à l’occasion de l’ouverture du Théâtre suisse de marionnettes à Zurich. J’ai choisi cette marionnette parce que c’est la plus abstraite et qu’elle évoque le mouvement tout en se rapprochant le plus de l’idée d’architecture. Agrandie, elle est manipulée par une marionnettiste et se déplace parmi les danseurs évoluant au sol et dont certaines parties du corps sont prises dans des fragments d’un décor d’architectures en Plexiglas. Lagune dessine l’image d’une ville mouvante dont la forme se transforme, se compose et se recompose grâce aux mouvements des danseurs. Ce sera donc autant un spectacle de marionnettes que de danse.
Propos recueillis par Valérie Da Costa
Valérie Da Costa est historienne et critique d’art. En 2014 et 2015, elle a été commissaire invitée au Centre Pompidou pour les nouvelles éditions de Vidéodanse (Oublier la danse, Le corps en jeu) dans le cadre du Nouveau festival. Son dernier livre porte sur l’artiste de l’Arte Povera, Pino Pascali (Pino Pascali : retour à la Méditerranée, Les presses du réel, Dijon, 2015)
Denis Savary est né en 1981 à Granges-Marnand en Suisse. Il vit et travaille à Genève. Diplômé de l’École Cantonale d’Arts de Lausanne, où il enseigne actuellement, il a été en résidence au Pavillon du Palais de Tokyo en 2006/2007. Parmi ces nombreuses expositions personnelles, citons : Le Musée Jenisch (2007), Jeu de Paume (2008), Centre Pasquart (2010), La Ferme de Buisson (2010), Kunsthalle Bern (2012), Musée d’art et d’histoire, Genève, (2013), Mamco, Genève (2015). Son œuvre a également été exposée au Palais de Tokyo, au Swiss Institute (New York), au CAPC Musée d’art contemporain (Bordeaux) au Printemps de septembre (Toulouse), au FRAC Languedoc-Roussillon… À partir du 22 janvier et jusqu’au 3 avril, Jour Blanc, exposition personnelle, est présentée au Centre culturel suisse à Paris.
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Vernissage Samedi 23 janvier 2016 à 15:00
Horaires
Du mardi au vendredi de 11h à 13h et de 14h à 19h
Les samedis de 10h à 19h
L’artiste
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Denis Savary