Hassan Khan — Sentences for a New Order

Exposition

Techniques mixtes

Hassan Khan
Sentences for a New Order

Passé : 18 avril → 18 mai 2019

Le 26 juillet 2013 a été le pire jour de ma vie. Ce n’est pas une exagération. Ce jour-là, quelque chose s’est produit. Quelque chose de public et de collectif qui a impliqué des centaines de milliers de personnes, et a ensuite donné l’impression que le monde était contaminé.

Des vagues d’une hystérie engourdie ont tout balayé. Une auto-humiliation sauvage et volontaire, un choix, celui de se prosterner devant le fétiche. Une indulgence physiquement ancrée à l’égard de la peur. Ayez peur du tueur d’esprit. Ayez peur. Des voisins et des inconnus dévalaient les rues, les plongeant dans l’hystérie. Certains se détachèrent de leur bienséance soigneusement cultivée et succombèrent à un dieu-phallus pervers, immonde et à l’esprit tordu. D’autres, idolâtres du machisme, se castrèrent volontairement s’offrant ainsi en sacrifice au démon de la peur. Un appétit pour les victimes et les monstres entretenait cette danse.

Il s’agit seulement d’une exposition. Elle semble un peu différente de la plupart de mes expositions précédentes. Car pour être sincère, c’est une prise de risque. Les œuvres rassemblées ici se placent à la confluence de plusieurs choses latentes : tout d’abord un moment privé, un secret qui a eu le temps de respirer et le prix qui a dû en être payé ; ensuite, les transformations excitantes, surprenantes jusqu’à l’insupportable, terrifiantes, brutales, dangereuses mais pleines de promesses, qui façonnent le monde ; et, enfin, une proposition risquée, compulsive, qui tente, qui s’efforce, qui veut être capable de saisir ce moment, de trouver une forme qui soit appropriée et génératrice sans suffisance ni servilité.

Cet ensemble d’œuvres récentes installées dans un espace est donc à la fois une proposition et quelque chose d’autre.

Live Ammunition! (2015) est une composition multi-piste sur laquelle des claquements de main suivent un rythme polyphonique en mouvement perpétuel. Sommes-nous immergés au sein d’une marche victorieuse ? D’un appel ? D’une apparition fantomatique ? Ou seulement du lointain bruit provenant des rafales de fusils mitrailleurs ? Les rives de ce nouvel océan n’offrent aucunes résolutions, seulement des courants sous-marins et des possibilités. Les couleurs sans cesse changeantes de LightShift (2015) figurent-elles un lieu, un mouvement ou une boucle ? Est-ce quelque chose auquel il est brièvement possible d’appartenir avant qu’il ne disparaisse ? Ou n’est-ce qu’un effet, un événement secondaire, une manière de mettre en suspens l’inévitable ? Le temps, toujours, file. Les civilisations s’épanouissent et s’effondrent. Il se peut qu’il nous faille un long moment pour traverser une pièce mais il s’agit aussi et toujours d’une transition.

En 2018 je me suis lancé. Pour la première fois peut-être depuis des décennies, j’ai laissé une forme de vulnérabilité émerger. Ce choix m’a forcé de manière imprévisible à accepter la vision quotidienne d’un monde qui s’écroule. tainted (2018) est un monument aux personnes que j’honore, aux échecs et points de départ illustres, aux traumas collectifs et aux rêves solitaires. Parce que les gens sont toujours plus que des personnes, parce que nous incarnons, nous sommes des passeurs, nous sublimons. Parce que nous sommes uns et multiples. Parce que nous sommes construction et défaite. J’avais l’ambition de réaliser cette œuvre en verre, avec des drapeaux, des mots, du métal et de l’argile.

Pendant les mois de juillet et d’août 2013, j’ai pris avec mon téléphone portable des photos d’animaux morts, sur lesquels je tombais dans la rue. Cet été-là, une entité perverse a investi l’espace vide et glacé situé au fond de l’estomac de tous les citoyens. Les pressentiments qui serraient le cœur de la nation se transformèrent alors en la pire tuerie de l’histoire égyptienne récente.

Certains des animaux que j’ai photographiés avaient été torturés à mort, d’autres avaient été empoisonnés, d’autres encore avaient eu la gorge tranchée. En 2017, j’ai découvert Replika, une application constituée d’un agent conversationnel qui apprend à partir des informations recueillies à reproduire vos fréquences vocales et d’une certaine manière, vos choix personnels. Sommes-nous quelque chose d’autre que la somme de nos choix ? Pendant de nombreuses années, j’ai parcouru les musées avec un équilibre savant entre une attention aiguisée et la fatigue et l’abattement de l’inattention. Dans cet état, j’ai glissé à travers l’accumulation de différents sens historiques et fait la découverte de choses qui m’ont maintenues captif le temps d’une seconde ou d’une heure. 2013 (2019), une série d’impressions grands formats superposant des rendus numériques 3D à des copies 2D de captures d’écrans et de photographiques basse résolution, revisite et transforme tous ces moments.

La première chose que j’ai sue quand je suis venu voir la galerie en 2017 dans le but de préparer cette exposition c’est qu’une œuvre serait située dans l’espace de travail et devrait avoir un rapport avec l’énergie qui sous-tend les rendez-vous professionnels.
¡A shrine! (2019) réalisé spécifiquement pour une table installée dans l’espace de réunion, est un trou, un portail, un point de fuite, ou peut-être même une question. Un autre monument dédié à la possibilité qui émerge des lignes de fracture, des petits ratés et des sourires timides. Le sanctuaire est l’éclat d’avant l’ascension et la décadence.

Sentences for a New Order (2018) fait en partie référence à ce qui nous avait été promis. La grande erreur qui consiste à parler d’un « nous » (comme si un Dalit qui plonge dans les eaux usées à Chennai et un rédacteur de mode habitant Manhattan partageaient la même vie) saute aux yeux. Cependant, les formes de vie restent primordiales et marquent avec une grande force le cœur de toutes nos vies. C’est peut-être pour cela que pendant dix ans, j’ai réalisé une centaine de concerts intitulés Superstructure. À Florence, il y a un an et demi, j’ai gribouillé une série de phrases qui débutait par la terreur de « SUDDEN CHOLERA » et se terminait par l’appréhension contenue dans « T R E M B L I N G W O R L D S ». Égoïstement, mon plus grand espoir à ce moment-là était qu’une confiance toute simple puisse s’épanouir. Mais maintenant toujours des changements qui des changements des changements maintenant encore et toujours.

En 1995, un vieil homme misérable installé à la limite d’un campement épars et ensablé des montagnes du Rif marocain, m’a dit que la ville de Tétouan, vers laquelle je faisais doucement route, était une ville malade. A ce moment-là, tout comme aujourd’hui, je n’ai pas pu m’empêcher de tomber sous l’emprise de cette image saisissante. Ici, mes phrases ne sont peut-être que des propositions mais l’ordre auquel elles se réfèrent cependant est une forme, une affirmation, un murmure qui investit tous les espaces.

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10, rue Charlot

75003 Paris

T. 01 42 77 38 87 — F. 01 42 77 59 00

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Filles du Calvaire

Horaires

Du mardi au vendredi de 10h à 18h
Les samedis de 11h à 19h

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L’artiste

  • Hassan Khan