A common feeling
Exposition
A common feeling
Passé : 21 avril → 26 mai 2012
A common feeling est le fruit d’une rencontre avec la galerie new yorkaise Murray Guy, la mise en forme de discussions entre deux identités s’étant reconnues.
Les tentatives de rapprochement entre nos programmes respectifs ont produit une mise à distance de notre manière de voir et transmettre, de notre approche de l’art. Nous avons construit des liaisons et déployé les scénarios possibles de différentes expositions avant d’en choisir une. La galerie à New York dans quelques semaines soulignera d’autres points de vues.
Cette exposition témoigne d’un héritage conceptuel encore fort même si les artistes se sont libérés des dogmes et de l’esthétique de ce mouvement. Chacun, de façon individuelle et inventive, en éprouve les contours.
A common feeling isole le moment où l’artiste invite, convoque l’Autre dans son œuvre. Elle souligne le moment où celui-ci participe au processus de création. Lorsque l’autre est aussi bien le point de départ du travail que son destinataire final ; lorsque l’autre est le déclencheur d’un dispositif narratif, l’élément incontournable par lequel s’articulent tous les détours. Lorsque l’œuvre devient stratégie de mise en relation et fabrique des micros événements favorisant la proximité.
Le format de la correspondance chez Moyra Davey renvoie aux échanges épistolaires de Pia Rönicke. Toutes les deux transforment un échange intime en une annonce publique : un hommage à d’autres figures féminines. Dans Letter, 2004, Pia Rönicke écrit à Le Klint ; l’univers de Moyra Davey dans l’œuvre Claire, Mary & Mary, 2012 s’articule autour des personnalités de Mary Wollstonecraft, Claire Claremont et Mary Shelley. Au delà de l’autobiographie et de la recherche historique, les deux artistes prennent position dans la sphère sociale et s’adressent directement à l’autre.
De façon plus imperceptible, certains artistes intègrent le spectateur dans le dispositif même de l’œuvre. A travers divers processus de révélation, d’apparition et de disparition, les œuvres de Ryan Gander sollicitent souvent le spectateur. Dans l’œuvre You can wander off in time and space, visit a space you once knew, make love to a woman you loved…, 2009, une boite d’allumettes négligemment oubliée au sol devient le point de départ d’une histoire improbable entre réalité et fiction. Chez Roman Ondák l’exposition est un espace performatif : ses micro-mises en scène, ou anti–évènements faits de situations à la fois simples et complexes, activent le processus de réflexion du spectateur. L’artiste imagine avec Interview, 2005, une rencontre entre lui et une personne — le collectionneur de l’œuvre ou le commissaire qui l’expose — dans un cours d’anglais pour débutant ou réalise une fausse carte de visite pour simuler un voyage en Sibérie dans la pièce intitulée New Territories, 2005.
I Love You, 2008 de Jiří Kovanda est un billboard pour l’espace public. La déclaration d’amour s’offre à tous et est accompagnée du numéro de téléphone de l’artiste. L’installation devient alors prétexte à une rencontre. La réunion avec l’autre peut aussi exister sous la forme d’un hommage chez Lucy Skaer dans la série Us To Them, 2012. Chaque photographie a été prise devant une toile de Vuillard et l’artiste compose ainsi son œuvre en intégrant celle du Maître. Flowers (Sherrie Levine), 2003, d’Alejandro Cesarco, témoigne peut-être d’avantage d’une filiation artistique possible. Cet ensemble de dix photographies est la mémoire d’un présent. Alejandro Cesarco a envoyé un bouquet de fleurs à dix personnes (Vija Celmins, Elizabeth Peyton, Roni Horn, Yvonne Rainer, Lynne Tillman, Louise Lawler, Yoko Ono, Rachel Harrison, Andrea Fraser, Sherrie Levine). C’était selon lui une action/performance pour une personne, un geste politique qu’il tente de décrire comme micro relationnel. Mais aussi une manière de rendre une personne heureuse. Une carte avec la mention suivante accompagnait les fleurs envoyées : cette sculpture par Alejandro Cesarco est sponsorisée par le Parc de Sculpture Socrates (Queens).
L’œuvre se construit parfois grâce à l’autre, qu’il soit figurant, collaborateur ou collectionneur. L’installation Announcement for the book ‘The Sitting’, 2009, annonce le projet de Ryan Gander de réaliser le portrait du commanditaire. Celui-ci a trois mois pour répondre à un questionnaire précis. Les réponses rassemblées dans un livre donnera lieu à une représentation du collectionneur sous une forme lui correspondant. Si les modules en bois de la pièce de Mark Geffriaud The Tide_, 2010, deviennent performatives lorsqu’un acteur s’y tient pour lire silencieusement l’_Odyssée de Homère, le geste de mettre du maquillage sur un banc et poser un sac comme une cale transforme la performance Frozen Allurement, 2011, de Jiři Kovanda en sculpture. Chez Roman Ondák il existe une vraie porosité entre l’art et la vie. Pour réaliser sa pièce Tickets, Please, 2002, il demande au petit fils du gardien de musée de jouer le rôle de son grand-père au rez-de-chaussée du bâtiment ; il dédouble ainsi l’espace avec deux entrées et deux guichets, les horaires de la galerie devant s’adapter à ceux de l’écolier. De façon ténue, l’enfant redéfinit ainsi les limites de l’espace d’exposition et le concept même d’exposition. Tickets, Please ne relève plus de la représentation mais entretient un rapport direct au monde dans une esthétique que l’on pourrait qualifier de relationnelle.
You, You, Me, You, Me, 2012, construite autour du dessin d’un parent éloigné de l’artiste illustre une veine plus romantique d’un art post conceptuel. L’installation est constituée de quatre sculptures en bois encadrant le dessin représentant des enfants. Ce dessin daté de 1847 conserve son cadre d’origine. La même forme que les sculptures, récurrente dans cette série de Lucy Skaer a été sérigraphiée sur le verre du cadre. A la fois ready-made et élément biographique, le dessin renvoie à un passé lointain et sera cependant reproduit en cas de vente dans l’avenir. L’original reviendra à son propriétaire, la mère de l’artiste. Il y a aussi de l’affect et de la poésie lorsque Jiři Kovanda demande à une artiste femme de le prendre en photo après qu’elle se soit déshabillée et restée derrière lui. La tension du moment réside dans la confiance de cette femme vis à vis de Jiři Kovanda qui lui promet de ne pas se retourner. Il s’agit encore de tension entre l’artiste et l’autre, et de la confiance que l’on accepte d’accorder à l’autre chez Ryan Gander. Ses Alchemy box, métaphores de l’œuvre d’art avec une forme et un contenu, n’existent que par le regard du spectateur. C’est à nouveau l’Autre qui décidera en 3007 d’ouvrir ou non la capsule témoin de Matthew Buckingham afin d’en découvrir son contenu. L’œuvre May be opened after 10 August 3007, 2007 donne tout pouvoir à celui qui la possèdera. Par son geste il révèle le passé et justifie le présent.
Cet acte de délégation se prolonge avec la pièce Cyrus, 2009, de Mark Geffriaud. Pendant le temps de l’exposition à gb agency elle sera dans la poche d’une personne chez Murray Guy. Cyrus désigne un objet que l’artiste a dérobé à l’artiste Eric Stephany et dont ils ont convenu qu’il pourrait rester en la possession de Mark Geffriaud tant que son propriétaire ne saura pas nommer ce que c’est. S’il lui revient en mémoire, Geffriaud le lui restituera. Confié à la galerie Murray Guy, c’est à elle de transmettre cette histoire de la même manière que la galerie gb agency doit à son tour formuler un mot à partir du protocole proposé par Matthew Buckingham dans son œuvre An Alphabet, 2010. La personne qui accueille cette pièce a la totale liberté de composer un mot à partir de lettres sérigraphiées, dans une typographie conçue par le père de l’artiste. La seule contre indication étant la répétition d’une lettre. L’artiste offre ici à l’autre la possibilité de formuler son œuvre mais lui donne aussi la parole. Nous écrivons pour cette exposition “ours blanc”, en référence au jeu auquel Dostoïevski jouait adolescent avec son frère, lui demandant de ne pas penser à un ours polaire, ou bien il perdrait le jeu (évidemment, ce mot lui revenait sans cesse en tête).
Ainsi, l’exposition à Paris existe dans cet échange avec la galerie à New York. De la même manière, l’exposition From an object’s point of view sera présentée chez Murray Guy du 11 mai au 30 juin (avec des œuvres de Mac Adams, Robert Breer, Mark Geffriaud, Jiři Kovanda, Roman Ondák et Pratchaya Phinthong).
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Vernissage Samedi 21 avril 2012 16:00 → 21:00
Les artistes
- Mark Geffriaud
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Jiri Kovanda
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Roman Ondák
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Ryan Gander
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Yann Sérandour
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Lucy Skaer
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Pia Rönicke
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Moyra Davey
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Matthew Buckingham
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Alejandro Cesarco