Aérosolthérapie

Exposition

Collage, dessin, installations, peinture...

Aérosolthérapie

Passé : 4 décembre 2020 → 20 mars 2021

L’exposition « Aérosolthérapie » présente divers travaux plastiques de quatorze peintres ou dessinateurs utilisant tous l’aérosol ou l’ayant utilisé — Jules Olitski et Roland Topor, de la partie, sont décédés respectivement en 2004 et 1997. Cette utilisation s’avère d’une nature diverse, protéiforme. Certains artistes ont recours à la bombe de peinture de manière exclusive, soit pour tracer, soit pour recouvrir la toile ou le support du dessin. D’autres, plus parcimonieux ou plus aventureux, en usent en complément de manières de peindre ou de dessiner plus conventionnelles. Le spray, l’acte de vaporisation, vient dans ce cas enrichir à la fois leur palette, la composition et l’effet stylistique produit.

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Bruno Bressolin, PALÉOSPRAY, 2020 Leporello de 95 feuillets, spray — 38 cm× 19 cm / 0,38 m× 18 m Courtesy de l’artiste

L’aérosolthérapie, la technique de soin qui fournit à l’exposition son intitulé, consiste à faire inhaler à un malade, par nébulisation, des médicaments en suspension dans un gaz, et ce, pour acheminer dans ses voies respiratoires un micro-brouillard (l’aérosol au sens strict) de substances curatives. Rapporté à l’expression artistique, le principe aérosol-thérapeutique entend suggérer que la peinture aérosol, la Spray Painting, n’est pas sans effet sur l’état même de la représentation, picturale comme graphique. Légère par sa matière mais dense par ses effets, celle-ci peut agir comme une relance inventive, comme un renforcement, comme un étai bénéfique. Son pouvoir de dynamiser l’art pictural ou le dessin en fait un allié essentiel, fraternel, secourable au besoin, de la création plasticienne.

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Larry Deyab, Balzac de la série Revolutionary Portrait,, 2004 Email, huile et peinture en bombe sur toile — 254 × 102 cm Courtesy FRAC Bretagne

Les vertus du pneumatique Dans l’imaginaire contemporain, peinture aérosol et bombe de peinture sont congénitalement affiliées au Street art, qui s’en empare dès son apparition, dans les années 1960. Le succès des bombes Montana, peu chères, aux « caps » (diminutif de « capule », le bouton-pression surmontant la bombe) de dimension variée, a alors pour corollaire le graduel recouvrement des murs enregistré bientôt urbi et orbi. La Spray Painting, avant d’être un style, est le résultat d’une nécessité, celle de graffer le plus vite possible l’espace urbain, en prenant de vitesse la police, peindre sans autorisation dans l’espace public étant un acte illicite souvent rudement sanctionné (dès 1972 à New York).

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Jules Olitski, Thales Enthralled-Thirteen, 1977 Acrylique sur toile — 190,5 × 127 cm Courtesy de l’artiste et galerie Templon, Paris

Le terme anglais spray désigne la « vaporisation » ou l’ustensile qui la permet, le vaporisateur. Appliquée sur une surface non pas à la main ou au moyen d’un outil de type truelle ou pinceau, de la matière légère est soufflée par projection sur le support à peindre, sans contact direct. Cette technique, débitrice de la puissance pneumatique (pneuma, le souffle en grec, pour Aristote l’énergie principale du monde), se repère comme une des plus anciennes manierae que consigne l’histoire de l’art. La vaporisation de pigments colorés humidifiés, dans l’Histoire, suit de près le malaxage (pigments mélangés à de la terre, dans les sépultures notamment) autant qu’elle accompagne la peinture sous ses formes premières d’expression, une peinture de pigments naturels que l’on répand au moyen des doigts, d’une branche ou, plus tardivement, d’une brosse ou d’un pinceau. Les nombreuses « mains négatives » et « mains positives » (leurs propres mains ou celles et leurs proches utilisées comme pochoirs) léguées par l’art pariétal du paléolithique supérieur avouent l’intérêt des primitifs, déjà, pour le spray pratiqué dans sa forme élémentaire, souffler avec la bouche de la matière rendue liquide recueillie dans la paume, ou en un geste plus sophistiqué, l’expulser tout en vidant de leur air les joues gonflées qui soufflent dans un aérographe, cet os creux dont on se sert comme d’une sarbacane à peinture.

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Rainier Lericolais, Sans titre, 2014 THT ed, Fixé sous verre — 135,5 × 164,4 cm, Pièce unique Courtesy de l’artiste et galerie Thomas Bernard

On le sait : la modernité artistique, son heure venue, entend bien user de toutes les techniques possibles pour faire valoir son sens propre de l’esthétique, farouchement expérimental. La peinture du 20e siècle n’est pas seulement affaire de pinceau. Le peintre moderne, pour mener son affaire, recourt indifféremment à la queue d’un âne (Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique, par l’âne Lolo, 1910), au couteau (les expressionnistes), à la carabine (Niki de Saint-Phalle), au phénomène physique de la gravité (Masson puis Pollock avec le dripping), à l’automatisation (machines à peindre Méta Matics de Jean Tinguely), au corps nu de femmes enduites de matière colorée (Yves Klein et ses Anthropométries) ou bien encore à l’imprimante numérique, à la brosse à dents, aux balançoires ou aux chasses d’eau (liste non limitative), en un cursus qui épuise goulument toutes les techniques mises à disposition de l’artiste et ceci, d’où qu’elles viennent, territoire même de l’art, univers biologique, gymnique ou monde techno-industriel. Comme le veut cet esprit de captation d’un outillage hors norme, l’aérosol, inventé dans les années 1920 (Erik Rotheim, 1927), se voit pareillement réquisitionné sans délai par la sphère artistique.

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Renée Levi, Ohne Titel, 2010 Peinture acrylique sur toile — 190 × 190 cm Courtesy de l’artiste et galerie Bernard Jordan

D’abord utilisée pour vaporiser des produits chimiques (de l’insecticide, notamment), pour modeler les chevelures féminines (les laques) ou servir de diffuseur à parfums, cette « bombe » à air comprimé qu’est l’aérosol voit très vite ses flancs métalliques s’emplir de peinture. Ainsi nourri, le nouvel outil remplace à bon compte le déjà traditionnel mais encombrant pistolet à peinture pneumatique. L’industrie se montre qui plus est généreuse, une infinité de couleurs est proposée aux constructeurs automobiles, de quoi élargir l’intérêt du monde de l’art pour le spray, que l’on s’y approprie bientôt à large échelle. L’éclat de ses couleurs laquées et sa brillance vite devenue légendaire paradent bientôt non seulement sur les murs de nos villes, grâce au geste clandestin des street-artistes, mais aussi sur des pièces d’atelier, comme s’y emploie Andy Warhol dès les années 1960. La Spray Painting, de succès en succès, triomphe institutionnellement avec la fin du 20e siècle. Des artistes venus de l’univers du graffe générique quittent la rue et l’univers des outsiders pour rentrer dans l’atelier, à l’instar d’un Futura. Ils y exportent leurs techniques sur des toiles dont le destin sera dorénavant d’être accrochées dans les galeries, les centres d’art, les collections privées puis les musées. Conversion gagnante.

— Paul Ardenne Écrivain et historien de l’art.

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Jim Sanders, Lares (Guardian Spirits/Deities), 2020 Peinture au spray sur toile, clous et ficelles sur masques en bois — 120 × 25 × 10 cm environ chacun Courtesy de l’artiste
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Shoboshobo, Seum, 2004 Peinture aérosol — 29,7 × 21 cm Courtesy de l’artiste
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Sindre Foss Skancke, Reality Sheets 1, 2020 Peinture au spray et acrylique sur toile — 140 × 130 cm Courtesy de l’artiste

Commissariat : C.N. Jelodanti (Clara Djian & Nicolas Leto)

  • Vernissage Vendredi 4 décembre 2020 16:00 → 20:00
03 Le Marais Zoom in 03 Le Marais Zoom out

15, rue de Thorigny

75003 Paris

T. 01 40 29 44 28 — F. 01 40 29 44 71

www.topographiedelart.fr

Saint-Sébastien – Froissart

Horaires

Du mardi au samedi de 14h à 19h

Programme de ce lieu

Abo original

Les artistes

  • Jean Faucheur
  • Renée Levi
  • Rainier Lericolais
  • Hippolyte Hentgen
  • C.N. Jelodanti
  • Jim Sanders
  • Bruno Bressolin
  • Roland Topor
  • Jules Olitski
  • Orsten Groom
Et 5 autres…