Jacques Villeglé — Alphabet(s)

Exposition

Peinture

Jacques Villeglé
Alphabet(s)

Passé : 5 mars → 29 mai 2021

Tout part, comme toujours, d’un graffiti anonyme que Jacques Villeglé repère le 28 février 1969 exactement sur les murs d’un couloir de la station République, et dans lequel on distingue le nom du président américain alors en visite à Paris, Nixon, avec les trois flèches de l’ancien parti socialiste pour le N, la croix de Lorraine pour le I, la croix gammée pour le X et la croix celtique inscrite dans le cercle du mouvement Jeune Nation pour le O. Jacques Villeglé le mémorise, comme il mémorisera toutes les écritures singulières qu’il rencontrera par la suite (alphabets culturels, de rue, d’écrivains, etc.) et qui, combinées, deviendront le matériau de son alphabet socio-politique, en constante évolution, matrice des graphismes et des textes à venir.

« On peut faire un tableau avec une page d’écriture ». Jacques Villeglé n’a pas non plus oublié cette phrase de Picasso lue à 21 ans et qui l’accompagne depuis. Avec les alphabets socio-politiques, auxquels il se consacre essentiellement depuis 2000, le « père des graffeurs » transforme à sa manière l’écrit en image. Ses textes et ses alphabets s’apprécient comme des œuvres graphiques, poétiques et plastiques. L’enchaînement des signes et des symboles vaut pour lui-même autant que pour l’ensemble dans lequel ils s’inscrivent — un ensemble qui parle à tous les sens, cerveau gauche et cerveau droit compris. La lecture des phrases et des aphorismes qu’il emprunte à d’autres et qu’il dessine, transpose et transcrit sur le papier, la toile, etc. relève du déchiffrage, du décodage, du décryptage. Amateur de typographie, de graphisme et de cryptographie (terme qui apparaît dans son agenda le 21 février 1958 exactement), Jacques Villeglé s’amuse, avec l’alphabet socio-politique, à réveiller notre regard. Il nous réapprend à voir, à lire, à saisir et à considérer d’un œil nouveau l’ensemble des traces urbaines et des signes du quotidien, leur rendant leur part de beauté et de mystère.

« Peut-être que je voudrais que les graffiti de l’expression populaire, phénomènes déviants qui incitent à l’irrespect concurrencent l’épigraphie hégémonique de la culture occidentale ; que ces signes arrachés à la trivialité du quotidien soient regardés à l’égale des inscriptions d’apparat […]. », écrit-il en 1995 dans Une épigraphie sauvage.

Barbara Soyer
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